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Après l'accouplement et avant la naissance
Croissance et développement du jeune
La vie de la mère panda après la naissance
La vie du jeune après la séparation avec sa mère
« Le panda a un problème de sexe » : C'est ainsi que les journaux avaient caricaturé à une époque la reproduction du panda géant. Malheureusement, encore aujourd'hui, les modalités de la reproduction chez cette espèce conduisent encore trop souvent les journalistes à évoquer une « absence de libido » pour expliquer le déclin de l'espèce. C'est totalement faux parce qu'une espèce qui ne saurait se reproduire aurait disparu depuis bien longtemps de la surface de la Terre, et l'emploi de cette raison réductrice par certains auteurs traduit leur méconnaissance de la biologie de la reproduction de cette espèce, ou pire une vision biaisée par une projection des modalités de reproduction de l'espèce humaine chez une autre espèce en l'occurrence le panda géant.
Chaque espèce a ses propres modalités reproductives, et le panda géant ne fait pas exception à la règle. Certes, dans des conditions captives, l'expression de ces modalités de la reproduction sont biaisées par la captivité, d'autant pour une espèce solitaire comme le panda géant où la communication indirecte, via des marquages chimiques odorants et l'émission de vocalisations, est plus difficile à laisser s'exercer dans les zoos où chaque individu est hébergé dans un enclos séparé (ce qui est normal compte tenu le statut solitaire de l'espèce) avec toutes les difficultés que cela implique pour qu'un individu donné puisse s'habituer à un reproducteur potentiel via ces marquages et vocalisations. C'est une compréhension fine des modalités de la reproduction chez le panda géant qui a permis le succès de l'élevage en captivité, même si l'insémination artificielle permet encore en partie de combler les difficultés à laisser libre cours aux individus de s'habituer l'un l'autre pour s'accepter au moment opportun.
Non les pandas n'ont pas de problème de sexe ni une libido en berne ! Non les pandas géants n'ont pas de problème pour se reproduire ! A condition qu'ils puissent exprimer leurs comportements naturels, notamment tous ceux préalables et indispensables à l'accouplement.
Depuis de nombreuses années maintenant, les experts ont démontré que dans la nature les pandas se reproduisaient sans difficulté, dans des conditions d'habitat intact. Les seules difficultés observées dans la nature sont liées à la disparition et la fragmentation de leur habitat, qui rendent plus difficiles les rencontres entre individus et les échanges génétiques. Mais par contre, si ces éléments sont respectés, les pandas sauvages n'ont aucune difficulté pour se rencontrer et s'accoupler avec succès en donnant régulièrement naissance.
Ce chapitre détaille la saison des amours chez cette espèce solitaire, la naissance du ou des bébé(s) et le développement du jeune avant la séparation avec sa mère au moment du passage au stade de sub-adulte.
Femelle et son bébé, âgé d'environ 1 mois, au centre de Wolong, Chine
Chez le panda géant, la saison des amours s'étale de mars à mai.
Le panda géant est une espèce solitaire, mâles et femelles ont leur propre territoire et ne se croisent pas ou que très rarement. Chez une espèce où les contacts physiques sont quasi inexistants, en dehors de l'accouplement à proprement parlé et des relations mères/jeunes, la communication est primordiale pour que mâles et femelles puissent se faire connaître, se rencontrer et s'accepter.
Le marquage du territoire et la communication vocale ont lieu toute l'année mais sont plus fréquents durant la saison des amours.
Comme détaillé dans le chapitre « Communication », les pandas marquent leur territoire à l'aide de griffures, d'urine mais surtout d'une substance cireuse comprenant des composants aromatiques sécrétée par une glande ano-génitale spécialisée. Pendant la saison des amours, les marques odorantes laissées par les mâles et les femelles fonctionnent comme des cartes de visite qui indiquent l'état de réceptivité sexuelle des individus. Une femelle en chaleur accélère ses dépôts pour s'assurer de la présence d'un mâle auprès d'elle au moment voulu. Chez les mâles adultes, ce rythme est plus rapide que chez les femelles ou chez les jeunes pandas, et le marquage n'est pas limité à la saison des amours mais se poursuit toute l'année.
Les pandas sont capables d’extraire de nombreuses informations de ces marques (dont l’âge et le sexe de l’émetteur) et ils possèdent des capacités discriminatoires sophistiquées pour la distinction entre des odeurs émanant de conspécifiques de catégories variées. Les modalités de la réponse de l'individu qui investigue les marques varient souvent avec l'âge, le sexe et la condition reproductive de l'individu à l'origine du marquage.
En plus de cette communication olfactive et chimique, les pandas émettent de nombreux sons. Ces signaux vocaux sont complexes et permettent également de transmettre de nombreuses informations. Des études récentes ont permis de démontrer que les signaux vocaux des femelles étaient importants pour la coordination des efforts de la reproduction. La vocalise la plus remarquable du panda géant est un bêlement pour signaler une intention non agressive et est particulièrement importante lors de la saison de la reproduction.
Les études révèlent que ces bêlements sont hautement individualisés et qu'ils peuvent faire office de signature vocale. Leurs modalités acoustiques fournissent une information fiable sur le sexe, l'âge voire même la taille du corps de l'appelant (l'émetteur du signal). Par exemple, un mâle puissant aura une signature vocale qui permettra sans aucun doute à une femelle de le différencier parmi d’autres mâles compétiteurs.
Chez les espèces solitaires, cette communication est capitale pour que mâles et femelles puissent se rencontrer et s'accepter au moment opportun c’est-à-dire lorsque la femelle est prête à accepter le mâle. D'autant que la femelle panda n'est en chaleur (pic de réceptivité) que 1 à 3 jours par an et qu'il est important qu'une communication préalable se soit établie avec ses reproducteurs potentiels. Sans ces préliminaires, elle ne pourrait sélectionner son partenaire et donc ne serait pas disposée à accepter quelque mâle que ce soit.
La communication chimique et vocale directe et indirecte est donc indispensable aux mâles et femelles pour synchroniser leur réceptivité durant la saison des amours. Le contact avec les femelles encourage les mâles à exprimer des comportements associés à l'intérêt sexuel. De même, l'exposition à plusieurs mâles compétiteurs et l'opportunité de sélection d'un mâle favorisent l'expression de la réceptivité de la femelle.
En captivité, le panel des comportements spécifiques durant cette saison est largement réduit par le fait que les individus ne peuvent pas aller explorer les enclos de leurs voisins, le marquage du territoire est cependant amplifié et les individus déposent les marques odorantes sur les troncs d’arbres, les plateformes et les murs de leurs enclos. Les soigneurs n’auront alors plus qu’à échanger régulièrement mâles et femelles de leurs enclos respectifs, selon une stratégie définie à l’avance, afin que chacun puisse investiguer les indices laissés par leurs congénères et ainsi progressivement s’habituer l’un l’autre. Cette étape d’habituation est indispensable pour que les individus s’acceptent et ne se battent pas au moment où ils sont regroupés pour l’accouplement. Dans la nature, cette phase préalable à l’accouplement, qui consiste à baliser le territoire de marques et repères fonctionnant comme des cartes de visite qui indiquent l’état de réceptivité sexuelle des individus, se passe sans que les individus ne se croisent, ou que très rarement. En captivité, mâles et femelles ne peuvent pas être regroupés en amont de la fenêtre très courte de réceptivité de la femelle, sinon ils se battraient, donc il faut tenter d’imiter au mieux ce qui se passe dans la nature et offrir aux individus la possibilité de prendre connaissance de leurs futurs partenaires sans pour autant les mettre en contact direct de façon prolongée.
L'autre difficulté en captivité est le choix du partenaire. En effet, comme détaillé précédemment, la femelle va sélectionner un mâle pour qu'il s'accouple prioritairement avec elle. Pour illustration, Meghan Martin, une biologiste de la conservation rattachée au zoo de San Diego et au zoo d'Oregon et présidente de l'association PDX Wildlife (une association américaine impliquée dans des recherches scientifiques dont le but est d'améliorer la conservation des espèces, et ce au travers de recherches dans le domaine de l'élevage en captivité, mais aussi dans une optique de restauration des habitats et d'éducation du public), est à la tête d'une étude menée de 2011 à 2013 sur 41 femelles et 40 mâles hébergés à la base de Ya'an Bifengxia du Centre chinois de recherches et de conservation du panda géant (China Conservation and Research Centre for the Giant Panda). En observant 26 paires de pandas, elle a pu mesurer la préférence mutuelle de chaque panda et les succès - ou non - reproducteurs. Les résultats sont sans équivoque et ils viennent finalement confirmer ce que l'on savait déjà pour les pandas sauvages : lorsqu'un panda montre une forte préférence pour l'un des partenaires proposés, la probabilité d'un accouplement réussi est élevée, de même que la probabilité que cet accouplement se solde par une naissance. Les résultats sont encore plus prononcés lorsque l'attirance entre les deux pandas impliqués dans l'accouplement est réciproque. Autrement dit, un accouplement et une naissance ont davantage de chance de se produire si les pandas peuvent librement choisir leur partenaire.
Les zoos hors de Chine n'hébergent que deux adultes sans possibilité de choix du partenaire. Quant aux deux grands centres chinois, la base de Chengdu et celle de Bifengxia, le défi à relever est d'offrir à chaque panda un accès à plus d'un partenaire, ce qui n'est pas chose aisée dans des enclos où les individus n'ont pas la possibilité de se choisir ou de se fuir.
Plusieurs études ont démontré la limite voire la non pertinence de la stratégie actuelle qui consiste à n'héberger qu'une paire de pandas par zoos. Il est en effet important que des jeunes mâles adultes aient accès à des femelles expérimentées (pour le développement de comportements reproducteurs appropriés), femelles qui doivent aussi pouvoir s'accoupler avec un mâle expérimenté approprié génétiquement. Pour permettre cela, plusieurs scientifiques ont démontré qu'il serait préférable de maintenir un petit groupe de pandas par institutions, et non seulement une paire, sur la base de compatibilités génétiques et comportementales. Les possibilités d'accouplement seraient également multipliées une même année donnée dans l'hypothèse où plusieurs mâles pourraient avoir accès à une femelle expérimentée, un mâle expérimenté et un ou plusieurs mâles plus jeunes inexpérimentés qui apprendraient ainsi le comportement de la reproduction en observant le mâle compétent et en s'essayant à l'exercice (les femelles restant réceptives quelques temps après un accouplement réussi). Des accouplements successifs et répétés maximisent également les chances d'une gestation. Les scientifiques se prononcent pour une stratégie d'accouplement multi-mâles même si elle présente aussi des risques, notamment de blessure en cas de compétition (dans la nature, les mâles peuvent fuir un combat ou une femelle avec laquelle ils ne seraient pas compatibles, ce qui est beaucoup plus difficile en captivité). Les chercheurs restent persuadés qu'il est possible d'offrir à un jeune mâle sans expérience l'accès à une femelle réceptive, notamment après qu'elle se soit accouplée avec un mâle expérimenté. C'est d'ailleurs souvent ce qui se passe dans le milieu naturel. Trois ou quatre pandas seraient un nombre minimum de pandas qui pourraient constituer un groupe plus pertinent pour une même institution.
Pendant la période de chaleur, ou œstrus, qui ne dure que de un à trois jours, la femelle perd son appétit, devient plus vocale et ne repousse plus les avances des mâles. A cette période, les mâles et les femelles restent ensemble et la femelle peut s’accoupler avec plusieurs mâles, et réciproquement pendant la durée de la saison des amours, chaque mâle va essayer de s’accoupler avec plusieurs femelles, qui ne connaîtront pas leur pic de réceptivité simultanément. Ainsi, chacun des deux sexes s'accouple avec des partenaires multiples.
Dans la réserve naturelle de Foping, deux mâles prétendants restent à proximité d'un arbre où une femelle en chaleur est réfugiée.
Celle-ci n'est encore pas dans sa fenêtre optimale de réceptivité et ne répond pas pour l'instant à l'avance des mâles compétiteurs
© Sun Jinqiang (孙晋强)
Une fois qu'elle se montre disposée, la femelle s'aplatit dans une posture de soumission. Tête baissée, elle s'approche à reculons vers le mâle en lui présentant son postérieur. Le mâle la monte en plaçant ses deux pattes de devant sur son dos. L'accouplement peut avoir lieu. Chaque saillie ne dure que trente secondes en moyenne, mais en une heure ou plus de contact, le mâle peut monter la femelle des dizaines de fois.
Lorsqu'elle est réceptive, soit de 24 à 48 heures seulement par an, la femelle accepte le mâle
et l'accouplement peut avoir lieu, ici dans la réserve naturelle de Foping - © Sun Jinqiang (孙晋强)
Dans la nature, plusieurs mâles rivaux peuvent se disputer une même femelle, au besoin en combattant, le plus fort l'emportant. Le but du combat est d'établir, ou de conserver, une supériorité en plus d'obtenir prioritairement l'accès à une femelle. Les chercheurs qui ont étudié les pandas sauvages des monts Qinling n'ont pas observé de combats mortels mais relatent plusieurs cas de blessures qu'ils ont pu observer.
Sur la base des observations de mâles en conquête d'une femelle, les chercheurs estiment que la position des mâles dans la hiérarchie peut être déterminée en fonction de leur proximité ou non de la femelle panda ; le plus dominant étant le plus proche et ainsi capable de bloquer l'accès aux autres. La position et notamment le rang changeraient aussi avec l'âge. Il semblerait aussi qu'un mâle puisse être dominant dans une situation avec une femelle donnée mais ne pas l'être dans une autre situation avec une autre femelle (et ce la même année). Les chercheurs pensent que durant la saison des amours, les mâles entrent en compétition avec les autres mâles pour gagner l'accès au plus de femelles possibles.
Le chercheur Yong Yange dresse le récit d’une scène de la saison des amours observée dans la réserve naturelle de Foping le 26 mars 2003 ; scène lors de laquelle des mâles se battent pour l’accès à une femelle, tout cela sous l’œil d’un jeune panda de 1,5 an, sans doute un fils de la femelle en question. Scène similaire relatée par Pan Wenshi qui a observé en 1993 dans l'actuelle réserve de Changqing un jeune mâle subadulte présent sur les lieux d'une scène de reproduction mais qui ne semblait pas être perçu par les mâles mâtures comme un rival potentiel comme en a témoigné le peu d'attention qui lui ont prêté. Il semblerait donc que l'apprentissage des jeunes passe par une phase d'observation et cette éducation sexuelle est sans doute primordiale pour le succès de la reproduction une fois l'âge adulte atteint.
Même si l'espèce est considérée comme mono-œstrus, quelques cas d'œstrus en automne, avec naissance au printemps, ont été observés dans les monts Minshan chez des femelles n'ayant pas donné naissance au printemps précédent.
Dans la nature, il est généralement considéré que les femelles connaissent leur premier œstrus à l’âge de 6,5 ans (soit à leur sixième printemps de vie) et sont sexuellement matures pour tomber enceinte à 7,5 ans tandis que les mâles le sont à 7,5 ans. Cependant, Pan Wenshi et ses collègues, qui ont étudié les pandas sauvages pendant 15 ans dans les monts Qinling, ont constaté que l'âge de la maturité sexuelle chez les femelles variait entre 3,5 et 4,5 ans et chez les mâles était à 4,5 ans, soit plus tôt que ce que généralement observé dans les autres monts où vivent les pandas sauvages. L'hypothèse avancée est une abondance des bambous dans les monts Qinling supérieure aux autres monts, et donc des conditions alimentaires très favorables pour un développement et une croissance plus rapide des individus.
Accouplement chez deux pandas captifs
Tentative d'accouplement entre la femelle Ying Ying (#382) et le mâle Yi Bao (#661), le 31 janvier 2012, à la base de Yaan Bifengxia (Chine)
Tentative d'accouplement entre le mâle Dai Li (au-dessus) et la femelle Hai Zi, à la base de Bifengxia - © PDX Wildlife
Pour en savoir plus :
> La communication pendant la saison des amours : Tous les détails sur le marquage du territoire et les sons émis, leurs significations et leurs interprétations
> L'élevage en captivité, une méthode de conservation
Après l'accouplement et avant la naissance
Les chercheurs ont observé que dans le milieu naturel, la plupart des femelles qui connaissent un œstrus donnent naissance ; ce qui signifie qu'elles réussissent à s'accoupler et qu'elles connaissent une gestation qui aboutit (ce qui diffère avec les observations en captivité, voir ci-après).
Après l'accouplement, le mâle revient à ses habitudes solitaires. Il laisse ainsi la place à d'éventuels autres mâles pour s'accoupler avec la femelle si cette dernière se situe encore dans la courte fenêtre de temps où elle est réceptive.
Rappelons que les pandas sauvages effectuent généralement des migrations saisonnières entre des habitats d'hiver et des habitats d'été, même si l'amplitude, la durée et le moment de ces migrations saisonnières varient selon l'aire de répartition.
Pan Wenshi et ses collègues, qui ont étudié les pandas sauvages pendant 15 ans dans les monts Qinling, ont noté que les femelles enceintes débutaient leur migration de descente des habitats d'été vers les habitats d'hiver plus tôt que les femelles qui ne sont pas enceintes ou les mâles, et ce pour rechercher une tanière.
Les femelles enceintes tendent à chercher une vallée ou un canyon et vont restreindre leurs déplacements deux semaines avant la parturition dans un rayon de 50 mètres à partir d'un point central. Peu avant la parturition, elles réduisent fortement leur activité, leurs déplacements et leur prise de nourriture.
Chez la femelle fécondée, la nidation est différée et, durant cette période, le noyau de la cellule qui formera l’embryon, reste dans l’utérus de 45 jours à 4 mois avant l’implantation. On parle de diapause embryonnaire. Ce n'est qu'à partir du moment où l'implantation dans la muqueuse utérine a eu lieu que débute le développement fœtal.
La durée de gestation une fois l’implantation accomplie est relativement stable et dure environ 50 jours.
Le délai d'implantation, durant lequel les embryons résultants flottent librement dans l'utérus, a lieu chez tous les ours probablement pour que la naissance ait lieu au moment le plus propice de l'année pour la survie du bébé. On pense que ce délai permet à la cellule de s’adapter aux variations de nourriture et d’altitude dans l’aire du panda.
Même si ce n’est pas clair pourquoi le délai d’implantation existe, ce phénomène n’est pas unique aux ours (il existe aussi chez les kangourous, les mouffettes, les loutres). D’après Pierre Comizzoli (biologiste au Conservation Biology Institute), cela semble être un moyen pour les femelles de s’adapter à leur environnement et de s’assurer de donner naissance à un moment où il y aura assez de ressources nutritives pour elles et ainsi produire assez de lait pour leur petit.
Les scientifiques suspectent que la photopériode joue un rôle important dans le déclenchement de l'implantation.
Dans les monts Qinling, les chercheurs ont pu déterminer que la durée de gestation variait entre 129 et 159 jours avec une moyenne de 145-146 jours et que les naissances avaient lieu entre le 15 et le 25 août. Sachant qu'une femelle donne naissance en moyenne à un petit tous les 2,33 ans et qu'elle peut potentiellement se reproduire de l'âge de 5 ans à 20 ans, elle peut avoir de 6 à 7 portées durant sa vie.
En captivité, où les conditions climatiques diffèrent des montagnes où vivent les pandas sauvages, les naissances ont lieu généralement entre juin et octobre avec une gestation qui peut varier de 83 à 200 jours (record de 324 jours en captivité détenu par Ji Ni en 2007) avec une moyenne de 140 jours.
Peu avant la naissance, la mère part à la recherche d'un abri dans lequel elle pourra mettre bas, une grotte ou un tronc creux, souvent à proximité d'un point d'eau. Elle garnit la tanière avec des branchages et des feuilles de bambous.
Même si cela n'a pas été documenté pour les pandas sauvages, cela a été observé et décrit chez les pandas captifs : le panda géant peut connaître une pseudo-gestation (pas de conception) lors de laquelle la femelle exprime des changements comportementaux, physiologiques et hormonaux similaires à ceux d'une grossesse véritable. Les signaux comportementaux et physiologiques associés à la fois à la gestation et à la pseudo-gestation incluent une baisse d'appétit, la construction du nid, les comportements de berçage, un gonflement et une coloration de la vulve, un grossissement des glandes mammaires et une léthargie. De même, les modalités temporelles et quantitatives de la progestérone (une hormone suivie dans l'urine) sont les mêmes entre gestation et pseudo-gestation.
Alors pourquoi le panda géant connaîtrait-il parfois des pseudo-gestations ? Pourquoi une femelle panda connaît les signes et les symptômes d'une grossesse même si elle ne donne pas naissance ? Les scientifiques ne sont pas sûrs mais voici une théorie : parce que ça ne lui coûte pas grand chose. Dans une perspective énergétique, ça ne demande pas beaucoup d'effort de ralentir son corps et lui permettre d'être physiologiquement prêt à une gestation d'un fœtus. Les petits ne connaissent qu'une croissance d'environ 50 jours dans le corps de leur mère (durée de la gestation une fois l'implantation accomplie) ce qui ne requiert pas un engagement à long terme. Et dans le cas d'un panda, qui ne s'accouple qu'une seule fois tous les 2 ou 3 ans et élève un petit unique entre deux participations à l'accouplement, il est important que cette gestation ait lieu. Si une femelle manque une année, c'est une perte importante dans l'espace de sa vie où elle est fertile (où elle peut se reproduire). Si l'on considère qu'une femelle sauvage ne vit pas plus de 20 ans et qu'elle n'est fertile qu'après sa 5ème année, elle ne peut élever qu'une demi-douzaine de petits environ. Louper une opportunité d'une grossesse a un impact sur son succès reproducteur. Au final, ce pourrait être aussi simple qu'une équation mathématique coût/bénéfice : les pandas ne peuvent pas se permettre de perdre la chance de se reproduire et il ne leur coûte pas grand chose de s'y préparer.
Enfin, la femelle panda peut également connaître une gestation avortée, qui résulte en une absence de naissance, et il semblerait que ce phénomène de perte de gestation soit plutôt fréquent d'après les observations sur des individus captifs. Notons qu'une gestation peut avorter naturellement suite à plusieurs phénomènes : mort embryonnaire ou fœtale, expulsion de l'embryon ou du fœtus, résorption fœtale ou embryonnaire...
Une mère panda sauvage et son bébé âgé d'un mois, dans un arbre creux.
Photo par Gao Huakang, 1982
Dans le milieu naturel, la plupart des petits naissent en août et septembre. Pan Wenshi et ses collègues, qui ont étudié les pandas sauvages pendant 15 ans dans les monts Qinling, ont eu l'occasion de documenter dix naissances et elles ont eu lieu sur un intervalle de temps très réduit, entre le 15 et le 25 août.
En captivité, l'amplitude des naissances est beaucoup plus large, et elles peuvent début en juin et durer jusqu'en octobre ; même si elles se concentrent sur les mois de juillet, août et septembre.
La femelle donne naissance dans une tanière qu'elle aura soigneusement sélectionné et préparé avant la mise-bas. Il s'agit généralement d'un arbre creux ou d'une grotte (un abri sous un rocher). Les forêts anciennes, qui comportent davantage de grands arbres, sont préférées par les pandas sauvages car nombre de ces arbres offrent des cavités susceptibles de servir de tanières.
Les tanières ont deux fonctions élémentaires : éloigner les prédateurs potentiels et maintenir un micro-environnement stable pour le bébé panda à l'abri des conditions météorologiques défavorables (notamment de la pluie).
Dans les monts Minshan au Sichuan, le panda géant utilise principalement un grand trou dans la partie inférieure de conifères comme tanière natale. En revanche, le panda géant dans les monts Qinling préfère utiliser des grottes de calcaire naturelles pour donner naissance et élever sa progéniture.
La distance à l'eau, la couverture en bambous à proximité, et la capacité à se tenir à l'écart de la pluie sont des facteurs importants qui déterminent le choix de la tanière en plus de son aspect, de sa position et de l'éloignement aux perturbations humaines.
Le choix d'une pente moyenne et d'une proximité de l'eau et du bambou permet de limiter la consommation énergétique de la mère pour se nourrir et boire mais aussi de limiter le temps où le jeune est laissé seul (risque de prédation).
Les mères pandas sélectionnent également les cavités avec une entrée étroite et un volume suffisant pour contenir la mère et le petit (confort et facilité de mouvement), ce qui limite les risques de blessure du bébé par la mère (écrasement notamment lorsque l'espace est trop confiné).
La pénurie de tanières naturelles peut être un facteur limitant de la croissance des populations de pandas.
La future mère panda va tapisser la tanière de branches et feuilles d'arbres ou de bambous pour préparer le nid.
La parturition peut être divisée en 3 stades : l'évacuation du liquide amniotique, l'expulsion du fœtus et l'expulsion du placenta.
Il y a généralement une seule naissance, mais souvent des jumeaux, voire des triplés comme quelquefois observé en captivité. La mère n’a pas de ressources suffisantes pour s’occuper de plus d’un petit à la fois, aussi est-elle contrainte de laisser les autres mourir.
A la naissance, le petit pèse entre 80 et 200 grammes soit environ 1/900ème du poids de sa mère et mesure entre 11 et 17 cm y compris une queue proportionnellement longue (le tiers de la longueur du corps). Son corps rose est couvert de quelques poils blancs courts et clairsemés. Ses yeux sont fermés et il est sourd. Il pleure souvent et crie fortement. Sa mère s'en occupe sans relâche, l'allaite plusieurs fois par jour et reste sans manger. Incapable d'uriner et de déféquer seul, la mère panda lèche l'abdomen de son bébé pour stimuler l'expulsion de l'urine et des fèces.
En captivité, lorsque plus d'un petit naît, l'homme va récupérer le second et le placer en couveuse pour réguler sa température. Afin de permettre aux deux petits de survivre, l'homme s'occupe d'un petit pendant que la mère panda s'occupe du second et dans la plupart des cas, les petits sont régulièrement échangés afin que chacun des bébés puissent bénéficier du lait et des soins maternels. Cette méthode dite de l'alternance a nettement augmenté le taux de survie des portées jumelles. Les soigneurs imitent la mère panda en donnant le biberon au petit placé en couveuse et en massant son abdomen pour stimuler sa défécation et sa miction.
Yuan Meng dans la gueule de sa mère Huan Huan, quelques heures après sa naissance le 4 août 2017 au zooparc de beauval, en France
© Eric Baccega pour le zoo de Beauval
15 juin 2018 à la base de Chengdu : Ai Li vient juste d'expulser son bébé
Nouveaux-nés placés en couveuse, sous les soins attentifs des soigneurs
(biberon, aide à la défécation et à la miction, surveillance de la température)
La femelle panda possède 4 mamelles, bien visibles ici chez Ya Yun
Mère et son jeune âgé de quelques semaines dans une grotte, photo de Yong Yange
Croissance et développement du jeune
A la naissance
Comme détaillé ci-dessus, à sa naissance, le petit pèse entre 80 et 200 grammes soit environ 1/900ème du poids de sa mère et mesure entre 11 et 17 cm y compris une queue proportionnellement longue (le tiers de la longueur du corps). Son corps rose est couvert de quelques poils blancs courts et clairsemés. Ses yeux sont fermés et il est sourd. Il pleure souvent et crie fortement. Sa mère s'en occupe sans relâche, l'allaite plusieurs fois par jour et reste sans manger.
Le premier lait de la mère panda est capital pour la survie du nouveau-né. Ce lait particulier, dénommé colostrum, est indispensable pour l'acquisition des anticorps. Les immunoglobulines dans le colostrum aident le nouveau-né à développer sa flore intestinale, à protéger ses intestins d'une infection et à détruire les pathogènes qui envahissent son système respiratoire. En effet, le nouveau-né panda a un système immunitaire sous-développé et une organisation hémolymphatique qui contient peu de cellules lymphocytaires. L'ingestion du colostrum permet le transfert d'immunoglobulines et de cellules phagocytaires actives, ce qui est très important pour établir l'immunité passive du nouveau-né. Si le nouveau-né ne prend pas le colostrum dans les premières heures de sa vie, il est alors extrêmement vulnérable.
La capacité du nouveau-né à thermo-réguler sa température est minime et variable mais va augmenter avec l'âge.
A ce jour, il n'existe pas de formule artificielle de colostrum. Ainsi, la seule possibilité pour administrer du
colostrum à un bébé panda qui n'en aurait pas eu est de le collecter chez une mère panda peu après qu'elle
ait donné naissance. Ici, les soigneurs de la base de Bifengxia ont réussi à en collecter chez la femelle Shu Qin - © CCRCGP
Dans les premiers jours
Dans les premiers jours, les membres du petit sont faibles et il ne peut pas se déplacer seul. Il continue d'émettre des sons pour communiquer ses besoins mais aussi pour renforcer les liens avec sa mère. L'animal passe ses jours à dormir sauf lorsque sa mère l'allaite, plusieurs fois par jour. A l'âge d'environ une semaine, des tâches noires apparaissent autour de ses yeux, de ses oreilles, de ses pattes avant, de ses épaules et de ses pattes arrière.
Il perd d'abord du poids par rapport à son poids de naissance avant d'en regagner rapidement pour doubler son poids de naissance vers le 10ème jour.
Le duvet qui recouvre son corps s'épaissit progressivement.
Yuan Meng, ici âgé de 3 jours seulement au zooparc de Beauval - © Zoo de Beauval
Yuan Meng à l'âge d'environ 5 jours - © Zoo de Beauval
Yuan Meng à l'âge de 7 jours - © Zoo de Beauval
Yuan Meng à l'âge de 8 jours - © Zoo de Beauval
Yuan Meng à l'âge de 11 jours - © Zoo de Beauval
Ce petit, âgé d'environ 2 semaines, a très peu de duvet et ses tâches noires sont très prononcées
Après le 10ème jour
Les pattes avant du bébé sont capables de supporter sa tête. A environ deux semaines, des poils noirs se développent dans les zones noires. La mère lèche fréquemment son petit pour stimuler la défécation, la miction et plus globalement pour le nettoyer. Elle mange ensuite les excréments, assurant ainsi la propreté de la tanière et écartant le risque d'attirer les prédateurs.
A partir de la troisième semaine, les poils poussent sur l'abdomen et en général tout le corps est recouvert de poils à la fin de la quatrième semaine.
Le bébé prend rapidement du poids. Après la première semaine, il gagne de 10 à 50 grammes par jour. Il a triplé son poids de naissance la deuxième semaine, l'a quadruplé la troisième semaine et atteint généralement le kilogramme à l'âge d'un mois.
Yuan Meng âgé de 15 jours - © Zoo de Beauval
Yuan Meng, ici âgé de 18 jours, avec sa mère Huan Huan - © Zoo de Beauval
Yuan Meng, ici âgé de 3 semaines - © Zoo de Beauval
Yuan Meng, ici âgé de 3,5 semaines - © Zoo de Beauval
Yuan Meng, ici âgé de 4 semaines - © Zoo de Beauval
Yuan Meng, âgé d'un mois exactement - © Zoo de Beauval
A l'âge d'un mois ou deux
A l'âge d'un mois environ, le petit ressemble à un adulte miniature, mais sa queue bien qu'ayant raccourci par rapport à la naissance, est toujours proportionnellement longue. Ses cris diminuent jusqu'à ce qu'il cesse de pleurer. Ses yeux s'ouvrent partiellement entre 35 et 50 jours puis entièrement une semaine ou deux plus tard. Ses oreilles s'ouvrent entre 30 et 50 jours.
La mère ne peut pas quitter son petit pour se nourrir jusqu'à l'âge de trois ou quatre semaines. A partir de là, le petit peut mieux réguler sa température corporelle et ne nécessite plus un contact constant avec sa mère pour avoir chaud. Le petit peut multiplier par dix son poids de naissance en 5 à 6 semaines et ce grâce au lait fourni par sa mère riche en graisses. A l'âge de deux mois, sa mère l'allaite trois à quatre fois par jour et il a atteint les 3 kilogrammes.
Pour ses 6 semaines, Yuan Meng a atteint les 2 kilos. Sa queue a raccourci mais
est encore proportionnellement longue - 15 septembre 2017 - © Zoo de Beauval
18 septembre 2017 : Yuan Meng, âgé de 6 semaines et 3 jours, ouvre les yeux pour la première fois - © Zoo de Beauval
Yuan Meng, âgé de 47 jours - © Zoo de Beauval
Yuan Meng a 7 semaines et mesure 44 centimètres - © Zoo de Beauval
Yuan Meng à l'aube de ses deux mois - © Zoo de Beauval
Rau Hin et sa mère Mei Mei, au zoo « Adventure World » de Shirahama (Japon) :
Nous voyons bien sur cette photo deux des mamelles de la mère panda qui sont au nombre de quatre au total
A l'âge de 3 ou 4 mois
Après 80 à 100 jours, les pattes sont assez fortes pour supporter le corps et le jeune panda maintient de mieux en mieux sa tête et commence à effectuer des mouvements de poussée avec ses pattes postérieures. Rapidement il peut faire quelques pas. Après 100 à 120 jours, il est capable de faire des roulades, de marcher normalement et même de jouer avec sa mère. Après 120 à 180 jours, il est capable de grimper et de courir.
Ses dents de lait commencent à sortir entre le 80ème et le 90ème jours et elles continueront à pousser jusqu'à la fin du quatrième mois. Leur ordre d'apparition varie d'un individu à l'autre.
Sa vue s'améliore et son ouïe devient plus fine. La mère allaite maintenant son petit deux à trois fois par jour.
Il dépasse généralement 4 kilogrammes à sa 11ème semaine, les 5 kilogrammes à sa 13ème semaine et les 7 kilogrammes à sa 15ème semaine.
Yuan Meng, âgé de 10 semaines - © Zoo de Beauval
76ème jour pour Yuan Meng : il mesure 61 centimètres et dépasse les 4 kilogrammes - © Zoo de Beauval
Yuan Meng à l'âge de presque 3 mois - © Zoo de Beauval
Yuan Meng à l'âge de 16 semaines - © Zoo de Beauval
De 5 mois à l'âge d'un an
A cinq mois, l'animal trotte derrière sa mère, l'imite lorsqu'elle mange du bambou et grimpe aux arbres. Il peut se reposer dans des arbres par lui-même pendant des heures notamment lorsque sa mère s'absente pour la recherche de nourriture. Les séquences de jeu entre la mère et son jeune se font plus fréquentes.
A six mois, il a 26 à 28 dents et commence à manger des aliments solides. Il aura des dents de lait jusqu'à l'âge d'un an puis elles seront rapidement remplacées par des dents définitives.
La mère l'allaite maintenant une à deux fois par jour. Il approche généralement les 10 kilogrammes à l'âge de 5 mois, les 15 kilogrammes à l'âge de 7 mois, les 18 kilogrammes à l'âge de 8 mois. A son premier anniversaire, il peut peser de 25 à 30 kg.
Une épaisse fourrure recouvre son corps ce qui lui permet d'affronter son premier hiver et notamment les conditions climatiques humides voire enneigées de son milieu naturel. Il peut alors se nourrir de feuilles de bambous automnales et pendant l'hiver, il accompagne sa mère dans sa quête de nourriture.
Les jeunes pandas en captivité affichent des poids nettement supérieurs à ceux de leurs congénères sauvages, en effet leur dépense énergétique est moindre et leurs apports nutritifs souvent supérieurs notamment avec les suppléments donnés au biberon dès le plus jeune âge.
A l'âge de 5 mois, Yuan Meng semble déjà s'intéresser aux bambous même s'il n'en ingère pas encore - © Zoo de Beauval
Yuan Meng, ici âgé de 6 mois - © Zoo de Beauval
Yuan Meng pour ses 7 mois - © Zooparc de Beauval
Yuan Meng, ici âgé d'environ 9 mois - © Zoo de Beauval
Yuan Meng, ici au matin de son premier anniversaire, tète encore sa mère deux fois par jour - © Jérôme POUILLE
Yuan Meng, le jour de son premier anniversaire - © Jérôme POUILLE
Scène exceptionnelle filmée dans le milieu naturel d'une mère panda allaitant son petit, en
périphérie d'un village de la réserve naturelle de Foping, dans la province du Shaanxi, le 1er avril 2017
Après sa première année
Dans le milieu naturel, le jeune laisse généralement sa mère à l'âge d'un an et demi soit lors du deuxième printemps de sa vie ce qui permet à la femelle de participer à une nouvelle saison des amours printanière. Cependant, plusieurs observations ont montré qu'il n'était pas rare que la séparation ne s'effectue qu'au troisième printemps du jeune panda.
La mère continue à allaiter son petit, généralement une fois par jour, même après la première année.
Le jeune panda est malgré tout de plus en plus indépendant. Il se nourrit normalement de bambous dès ses 18 mois et passe de nombreuses heures seul, parfois à plusieurs dizaines de mètres de sa mère qui se nourrit dans un bosquet de bambous à proximité.
Même s'il se nourrit de bambous, le jeune panda, ici âgé de 20 mois, continue à téter sa mère une fois par jour - © Jérôme POUILLE
Quelques autres photos de la croissance du jeune
La croissance du jeune en graphiques
La vie de la mère panda après la naissance
Dans le paragraphe ci-dessus « La naissance », il est détaillé le choix d'une tanière pour la mise-bas.
Pan Wenshi et ses collègues, qui ont étudié les pandas sauvages pendant 15 ans dans les monts Qinling, ont noté que les femelles restaient dans la tanière avec leur nouveau-né les 5 premiers jours. Lorsque les petits étaient âgés de 6 à 14 jours, les femelles quittaient occasionnellement la tanière pour déféquer, mais elles ne se nourrissaient point pendant ce temps. Dans le cas de la naissance de Xiao San, la mère n'a quitté la tanière pour se nourrir qu'au 15ème jour. Les petits quittaient leur tanière entre 94 et 125 jours après leur naissance. Après avoir quitté leur tanière, ils restaient dans des aires de repos jusqu'à l'âge de 5 à 6 mois où ils devenaient capables de grimper aux arbres tandis que leur mère se nourrissait, les deux étant alors séparés pendant des périodes assez longues.
Ils ont déterminé que le taux de survie des petits à leur premier anniversaire était de 59,5%.
Les chercheurs ont relaté le comportement de Jiao Jiao dans les jours qui ont suivi la naissance de Xiao San et Xiao Si. Durant les quatre premiers jours, elle s'occupait de son petit sans boire ni manger. Après le 5ème jour, elle quittait occasionnellement la tanière pour déféquer. Ce n'est pas avant le 14ème ou le 15ème jour qu'elle commençait à se nourrir à l'extérieur. Les chercheurs ont une incertitude si elle a bu entre le 5ème et le 14ème jour. Durant le jeûne, trois comportements expliquaient les sorties de la mère : pour déféquer, pour obtenir des matériaux pour consolider la tanière, pour changer de tanière (à cause des intempéries notamment). Au fur et à mesure que le petit grandissait, Jiao Jiao quittait de plus en plus longtemps la tanière et rentrait parfois de nuit.
Lorsque le petit quitte la tanière, sa mère l'emporte avec elle alors qu'il ne se déplace pas encore lui-même. Le petit est posé sur un « matelas » de végétation où la mère s'est assise auparavant. Dès qu'ils savent marcher, les jeunes grimpent aux arbres et se reposent.
Les matériaux constituant le nid augmentent en quantité au fur et à mesure que le petit grandit et consistent en des branches d'arbres et du bambou.
Une même tanière peut être utilisée plusieurs fois la même année, ou pour des petits différents sur plusieurs années. Les deux tanières les plus utilisées avaient une petite entrée et un intérieur spacieux. L'humidité semble être un facteur de fuite et la pénétration des rayons du soleil dans la tanière permet de la minimiser. Quelques exemples montrent que Jiao Jiao a parfois passé plusieurs jours en dehors d'une tanière pendant un transfert. La durée totale de temps passé en tanière était de 125, 94 et au moins 105 jours dans les cas de Xi Wang, Xiao San et Xiao Si respectivement.
Dans la réserve naturelle de Wolong, dans les monts Qionglai (province du Sichuan), Schaller et ses collègues ont pu observer que durant la première semaine de vie du bébé, la mère ne quittait pas la tanière. Après la première semaine, elle ne s’éloignait pas de plus de 20 mètres. 4 à 7 semaines après la naissance, elle déplaçait son jeune en le transportant dans sa bouche ou sous une patte.
Etre une mère panda est une tâche à temps plein, surtout durant les premières semaines de vie du bébé.
Ici, dans la réserve naturelle de Foping, cette femelle a choisi une grotte comme tanière, avant de déplacer
son petit, qu'elle porte dans sa gueule, vers un nouvel abri - © Sun Jinqiang (孙晋强)
La vie du jeune après la séparation avec sa mère
Dès qu'il a quitté sa mère ou que sa mère va le chasser, le jeune va chercher à établir son propre territoire. Les femelles se dispersent généralement sur des distances plus éloignées que les mâles et ce processus est primordial pour le brassage génétique et pour éviter des accouplements entre individus apparentés ou du même groupe (endogamie). La fragmentation de l'habitat constitue alors une barrière pour ces migrations des individus sub-adultes dans leur quête de territoire. Elle a pour conséquence une plus grande difficulté pour l'accès à des territoires moins fréquentés ou avec des ressources alimentaires moins restreintes.
Le jeune panda va parfois chercher pendant de nombreux mois le territoire « idéal », là où il va s'installer pour une durée plus longue. Pour une femelle, ce territoire sera suffisamment éloigné de celui de sa mère, et devra idéalement comporter un abri qui pourra faire office de tanière dès que le moment viendra. Pour le mâle, le critère déterminant est que son territoire se recoupe ou jouxte celui de plusieurs femelles, qui sont autant d'opportunités pour s'accoupler le moment venu.
Les auteurs font l'hypothèse que les mâles sont philopatriques (tendent à rester ou revenir à l'endroit où ils sont nés), restant ainsi vers leur aire natale. Ils héritent parfois d'une part du domaine vital de leur mère, établissant ainsi leur propre domaine vital près de leur mère. Au contraire, les jeunes femelles se dispersent dès qu'elles sont prêtes, établissant leur propre domaine vital dans une nouvelle localisation. Les femelles écartent ainsi la possibilité de se reproduire avec des mâles qui pourraient être leur père (et ainsi éviter la consanguinité) et elles évitent également la compétition notamment pour des ressources clefs comme l'accès à des tanières.
Cependant, de nombreuses choses restent à découvrir sur la «société » des pandas géants, malgré que cet animal soit majoritairement solitaire ; et notamment sur les liens familiaux et les contacts entre semblables. En effet, plusieurs observations pencheraient pour l'existence d'un minimum de structuration familiale ou au moins de reconnaissance familiale, même après la séparation d'un jeune avec sa mère. Un exemple est détaillé dans le chapitre « Territoire et domaine vital », page « Répartition et habitat »
Cette période de la vie est toujours risquée pour les jeunes pandas, qui non seulement ont perdu leur protection maternelle mais qui en plus doivent affronter une certaine compétition pour l'accès à un territoire non occupé, le tout est d'autant plus compliqué avec la raréfaction et la fragmentation des habitats. Les mâles expérimentés et dominants ne voient pas forcément d'un bon œil l'arrivée d'un jeune concurrent dans leurs alentours, or les jeunes mâles doivent eux aussi avoir accès à des femelles, et même à des mâles expérimentés, pour apprendre comment recueillir les ferveurs d'une femelle et prendre le jour venu la place d'un mâle expérimenté qui serait décédé. Comme décrit plus haut, l'apprentissage des jeunes passe par une phase d'observation des plus expérimentés et cette éducation « sexuelle » est sans doute primordiale pour le succès de la reproduction une fois l'âge adulte atteint.
Pour en savoir plus :
> Répartition et habitat : Tous les détails sur le territoire, le domaine vital et la dispersion des jeunes individus
> Menaces et conservation : Disparition et fragmentation de l'habitat ont pour conséquence une difficulté pour les individus à migrer, processus naturel indispensable notamment pour trouver un partenaire pour la reproduction et ainsi favoriser les échanges génétiques, mais aussi pour le jeune qui cherche à établir son propre territoire après la séparation avec sa mère, ou encore pour la recherche de sources de nourriture alternatives dans le cas d’épisodes de mort du bambou, la nourriture quasi exclusive du plantigrade chinois
Yong Ba et son bébé Tian Tian, en 1997, à Wolong.
Tian Tian est aujourd'hui en prêt au zoo de Washington
Pour en savoir plus :
> La reproduction et les naissances en captivité