23 avril 2011 : Bilan des naissances de l'année 2010 :
La conférence annuelle du Comité chinois chargé d'évaluer les techniques d'élevage du panda géant (Chinese Committee of Breeding Techniques for Giant Pandas) s'est tenue le 11 novembre 2010 à Fuzhou en Chine. Ce comité se réunit chaque année pour faire le bilan sur les naissances de l'année écoulée et pour préparer les stratégies d'appariements pour la saison de reproduction à venir.
Les données rapportées par la presse sur le bilan des naissances de l'année 2010 sont incomplètes, d'où cet article tardif, mais essayons de dresser tout de même une synthèse de ce qu'il faut retenir des naissances de pandas géants en captivité lors de la saison 2010. Quelques points d'interrogation vont demeurer.
Les statistiques de l'année 2010 :
- 38 naissances au total soit 13 de plus que l'an dernier. Le record de 35 naissances de 2008 est battu.
- sur ces 38 naissances en 2010, 31 ont eu lieu en Chine et 7 hors de Chine. L'année 2010 bat donc un autre record : celui du nombre de naissances hors de Chine (au zoo de Shiarahama au Japon, au zoo de Vienne en Autriche, au zoo de Madrid en Espagne, au zoo d'Atlanta aux Etats-Unis).
- ces 38 naissances ont eu lieu en 27 portées et là aussi il s'agit d'un record. 27 femelles ont donné naissance en 2010 contre 23 en 2008 (précédent record). 40,74% des portées étaient jumelles en 2010.
- 31 bébés sur les 38 qui sont nés ont survécu soit 81,6% d'entre eux. Le nombre de petits qui ont survécu égalise celui de 2008.
La difficulté des données publiées réside dans la répartition de ces 38 naissances entre les institutions chinoises. En effet, jusqu'à aujourd'hui, je n'ai listé dans mes articles précédents que 34 naissances dont 31 survivants. Nous pouvons donc nous accorder sur le nombre de pandas survivants et leur répartition entre les institutions mais un écart de 4 naissances demeure entre les statistiques officielles et les chiffres présentés sur ce site (voir tableau). Nous en déduisons forcément que les 4 naissances d'écart sont 4 petits qui n'ont pas survécu, d'où très certainement l'absence de communication officielle concernant ces naissances.
Une erreur doit d'ores et déjà sans doute être rectifiée concernant la femelle Ji Ni, dont j'ai indiqué (lire article) qu'elle avait donné naissance à un petit unique le 13 août 2010 ; or la portée était probablement jumelle et un des petits n'a pas survécu. En effet, même si Ji Ni a donné naissance à la base de Yaan Bifengxia, elle est une femelle propriété du zoo de Beijing et cette institution revendique 4 naissances en 2 portées avec 2 survivants (Ying Hua a donné naissance à des jumeaux le 2 juillet 2010 à Beijing dont un seul a survécu - lire article -, Ji Ni a donné naissance le 13 août 2010 à la base de Yaan Bifengxia probablement à des jumeaux dont un seul a survécu). Avec cette correction, les données mentionnées sur ce site portent à 35 le nombre de naissances pour 31 survivants.
Les statistiques de la base de Chengdu (Chengdu Research Base of Giant Panda Breeding) semblent quant à elles concordantes. Cette base a vu naître 7 petits en 5 portées soit moins que son record de 2008 (15 bébés en 10 portées). Tous ont survécu.
Les statistiques du centre chinois de recherches et de conservation du panda géant (China Conservation and Research Center for the Giant Panda) sont plus floues. Ce dont nous sommes sûrs, c'est que 17 petits ont survécu dont 16 à la base de Yaan Bifengxia et 1 à la base d'Hetaoping. Ce chiffre de 17 inclut le petit de Ying Hua qui est né à la base de Yaan Bifengxia et même si Ying Hua est propriété du zoo de Beijing. Concernant le nombre total de naissances pour le centre chinois de recherches et de conservation du panda géant, il est probable qu'il se monte à 21 petits en 16 portées. Une naissance a une valeur toute particulière, celle de Cao Cao qui a mis bas dans la base de réintroduction d'Hetaoping dans un environnement semi-naturel (lire article).
Si l'on additionne ces statistiques, nous obtenons au total 38 naissances en 27 portées dont 31 survivants qui se décomposeraient comme cela :
- hors de Chine : 7 naissances en 4 portées dont 6 survivants.
- base de Chengdu : 7 naissances en 5 portées dont 7 survivants.
- centre chinois de recherches et de conservation du panda géant (base de Yaan Bifengxia + base d'Hetaoping) : 21 naissances en 16 portées dont 17 survivants.
- zoo de Beijing : 2 naissances en 1 portée dont 1 survivant.
- autre : 1 naissance en 1 portée dont 0 survivant.
Autre fait marquant, le zoo de Madrid a vu naître des jumeaux qui ont survécu, soit les premiers jumeaux pandas à survivre tous les deux hors du continent asiatique (lire article).
Ces naissances de l'année 2010 ont permis à la population captive de pandas géants de dépasser le seuil de 300 individus vivants. Lors de l'Atelier sur le plan de gestion de la population captive de pandas géants (Captive Management Planning Workshop), en décembre 1996, les spécialistes avaient défini le but à long terme du maintien en captivité de pandas géants : Développer en Chine une population captive auto-entretenue de pandas géants qui aidera à soutenir sur le long terme une population viable dans le milieu sauvage. Il était communément admis qu'une population captive de 300 pandas permettrait d'obtenir une population auto-entretenue démographiquement et génétiquement diversifiée, sans nécessité de prélèvement supplémentaire dans le milieu naturel. Ce chiffre est aujourd'hui atteint.
Voici un tableau synthétique des naissances de ces 13 dernières années en Chine et hors de Chine ainsi le pourcentage des naissances jumelles et des taux de survie à six mois :
A noter que ces statistiques ne sont qu'un bilan quantitatif des naissances de l'année 2010. Il est trop tôt pour se prononcer sur un bilan qualitatif.
Depuis quelques années maintenant, le Comité chinois chargé d'évaluer les techniques d'élevage du panda géant alerte sur la nécessité de prendre en compte la "qualité" des naissances et non seulement la "quantité". En effet, le nombre de pandas captifs ne doit pas être la seule priorité. La gestion génétique (certains individus sont plus "importants" / "riches" génétiquement que d'autres, particulièrement ceux qui sont peu ou pas représentés actuellement - exemple des animaux nés dans le milieu naturel et qui ne se sont pas encore reproduits) et les aspects comportementaux (avoir des individus capables de se reproduire naturellement, d'être des mères compétentes...) doivent être mieux pris en compte. La séparation mère/jeune similaire à ce qui se passe dans la nature, même si les femelles ne vont pas concevoir des jeunes aussi souvent, doit être expérimentée pour évaluer les bénéfices comportementaux à long terme pour les pandas bénéficiant ainsi de ce sevrage "naturel".
Nous parlons bien ici de "qualité" des individus et non plus seulement de "quantité".
Au départ, un programme d'élevage se concentre souvent principalement sur l'expansion démographique mais lorsque la population captive commence à atteindre un effectif important, ce qui est le cas de la population captive de pandas géants, l'accent doit être mis sur la qualité de cette population (qualité génétique et comportementale). La gestion génétique doit faire la balance entre les individus qui ont du mal à s'accoupler (et donc ceux faiblement représentés dans la population captive = avec un coefficient de parenté moyen faible) mais "riches" génétiquement et les individus (paires) avec des probabilités d'accouplement importantes (pour l'expansion démographique).
Auteur : Jérôme POUILLE
A lire :
> 3 janvier 2010 : Une explication au faible nombre de naissances à la base de Chengdu en 2009
> 12 novembre 2009 : Bilan des naissances de l'année 2009
> 1er avril 2008 : Début de la saison des amours 2008
> 5 Novembre 2007 : Bilan des naissances 2007
> 1er Janvier 2007 : Erratum : 34 naissances en captivité en 2006 dont 30 survivants
Pour en savoir plus :
> Tableau des naissances de l'année 2010
> Tableau des naissances de l'année 2009
> Tableau des naissances de l'année 2008
> L'élevage en captivité, une méthode de conservation
> La reproduction des pandas et la croissance du jeune
> La réintroduction, le but ultime des programmes d'élevage en captivité
> Les centres de recherche et d'élevage du panda géant, en Chine