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La salamandre géante de Chine, une espèce méconnue sous le parapluie du panda géant

Publié le : 11 juillet 2014  |  Auteur : Jérôme POUILLE  |  Sources : IUCN, Zoological society of London (EDGE), Wikipédia  |  Remerciements : Tierpark Chemnitz

 

En 2013, la base de Chengdu a encouragé une nouvelle opération intitulée "Panda 1+1" qui consiste à parler d'autres espèces tout aussi en danger que le panda géant mais méconnues la plupart du temps. Le panda géant est souvent qualifié d'espèce parapluie car il partage son habitat avec des centaines d'autres espèces animales et végétales et lorsque l'on parle du panda, lorsque l'on protège le panda, on protège avant tout un habitat, un écosystème riche et unique, et donc tous ses habitants. On ouvre donc le parapluie sur ses autres espèces méconnues.

 


 

Le logo de l'initiative "Panda 1+1"

 

Vincent Lan, un des chinois à l'initiative du projet "Panda 1+1" m'a invité à choisir une espèce et à en faire la promotion sur mon site internet, et même au-delà. L'opération me semble très pertinente et j'ai choisi de parler de cette espèce méconnue, mais ô combien rare et aux caractéristiques étonnantes, la salamandre géante de Chine qui partage entre autres son habitat avec celui du grand panda.

La salamandre géante de Chine, Andrias davidianus, est le plus grand amphibien vivant au monde et elle vit dans les fleuves, les lacs, les marais et les étendues d'eau douce en Chine. L'espèce est entièrement aquatique et endémique de la Chine continentale où elle se distribue dans 12 aires géographiques dans 17 provinces. Elle se rencontre aussi à Taiwan où elle a été probablement introduite.

 


Carte de distribution de la salamandre géante de Chine. On dénombre 12 aires de répartition en Chine.
© EDGE - Zoological society of London

 

La salamandre géante de Chine évolue dans les trois grands écosystèmes fluviaux de la Chine, les fleuves Huang He (fleuve Jaune), Yangtze et Zhu Jiang. Elle est présente entre 100 et 1 500 m d'altitude. Son habitat se compose de rochers, ruisseaux de montagne et des lacs aux eaux claires et rapides. L’espèce trouve généralement son bonheur dans les zones forestières à des altitudes modérées, particulièrement entre 300 et 800 m. Elle occupe les creux sous-marins et les cavités, passant la plupart de son temps dans l’eau.

Cette espèce d'amphibien appartient à l'ordre des urodèles (Caudata) et est classée dans la famille des Cryptobranchidés.

Cette salamandre mesure environ 1 mètre de long mais peut atteindre jusqu'à 1m80 et peser 65 kilos. Sa queue représente environ 60% de la taille de son corps et son extrémité s'aplatit latéralement en forme d'aviron. Essentiellement active la nuit, elle se nourrit de petits poissons, d'écrevisses, de crabes, de larves d'insectes, de vers, de grenouilles et crapauds, de têtards, de mollusques et de reptiles aquatiques. Sa longévité moyenne dépasserait les 30 ans et des spécimens captifs auraient atteint les 80 ans.

La teinte générale de son corps varie du brun clair au brun foncé, parfois proche du noir, avec des taches noirâtres éparses. Le corps et la tête ont une allure plutôt aplatie. La tête est large, la gueule vaste avec de petits yeux sans paupières. Leur vision serait mauvaise. Pour trouver leurs proies, les animaux sont donc tributaires du toucher et peut-être de l’odorat, du goût, ou encore de la sensibilité aux vibrations ou au champ électrique. La peau est visqueuse et présente des plis irréguliers sur les flancs. Les pattes, bien développées, portent quatre doigts à l’avant et cinq à l’arrière.

La respiration est assurée en partie par la peau. Cette dernière laisse entrer le dioxygène et sortir le dioxyde de carbone. Cette caractéristique ajoutée, à un métabolisme lent, permet à la salamandre géante de rester la plupart du temps au fond : elle ne remonte à la surface que pour respirer de temps en temps. Lorsque leurs branchies larvaires se réduisent, les adultes développent un pli bien visible sur la peau, le long de leurs flancs, qui augmente la surface d’absorption de l’oxygène. Sa grande taille, l’absence de branchies et des poumons réduits confinent cette espèce dans des zones d’eaux courantes.

Essentiellement active la nuit, ce n’est pas une grande chasseuse. Le camouflage et la patience sont ses atouts. Tapie à l’entrée de son repaire, creusé sous la berge d’un cours d’eau, elle attend ses proies. Au passage de sa proie, elle projette la tête en avant d’un geste vif et latéral et l’attrape dans sa gueule. Ses proies favorites sont les écrevisses, les crabes, les petits poissons, mais aussi des vers, des larves d'insectes, des anoures (grenouilles et crapauds) et leurs têtards, des mollusques, des reptiles ou des petits mammifères nageurs. Cette salamandre géante chasse également les plus petites salamandres et se rabat parfois sur des charognes de grenouilles ou de poissons. Elle peut également présenter un comportement cannibale. Bien qu’elle ne possède que de petites dents « larvaires », sa prise est tenace et sa morsure puissante. La méthode employée dans l'alimentation de cette espèce est connue sous le nom d’aspiration buccale asymétrique, où la mâchoire inférieure se rabat rapidement et à proximité des proies qui sont aspirées dans sa gueule.

La saison de reproduction des salamandres géantes de Chine semble se produire entre août et septembre. La femelle dépose dans une cavité de reproduction occupée par un mâle une traînée d’un très grand nombre d’œufs, entre 500 et 1000, distribués en deux longs cordons gélatineux. Le mâle chasse la femelle car elle peut manger sa propre progéniture, puis il libère ses spermatozoïdes et, agitant l’eau autour des œufs, les féconde indirectement. Le mâle va protéger cette cavité et les œufs jusqu'à l’éclosion, soit 50-60 jours plus tard.

À la naissance, les larves ne mesurent que 30 mm et possèdent des branchies externes qui régresseront au moment de la métamorphose, lorsque leur taille aura atteint environ 200-250 mm de long. Le métabolisme d’un adulte est atteint à l’âge de trois ans. La maturité sexuelle se ferait à environ 15 ans. 

La salamandre géante de Chine voit sa population décliner notamment depuis les années 1950 (déclin estimé de 80% des effectifs). Les principales raisons sont la chasse pour la cuisine et la médecine traditionnelle chinoise, mais aussi la pollution de l'eau, l'aménagement des cours d'eau (barrages, agriculture, lacs, digues,...). Elle est classée en danger critique d'extinction par l'UICN (Union internationale de conservation de la nature) et malgré le fait qu'elle soit protégée par les lois chinoises, le braconnage et les menaces indirectes (qualité de l'eau et artificialisation des cours d'eau) accentuent son déclin.

Une meilleure connaissance de l'espèce, de son mode de vie, de son aire de distribution, de son habitat, de ses comportements et de ses mœurs sont un préalable pour mieux la protéger et fixer des réglementations adéquates pour limiter notamment le braconnage et la pollution des milieux.

Des mesures de protection ont été prises mais demeurent inefficaces. Plusieurs réserves naturelles recoupent l'habitat de cette salamandre qui se trouve mieux protéger dans ces secteurs même si le but premier de la réserve n'était pas la protection de cette espèce. Quelques réserves naturelles ont spécifiquement été établies pour la protection de la salamandre géante de Chine, telles les réserves naturelles de Zhiangjiajie, de Lushi, de Qingyaoshan, de Youyang, de Taibai ou encore de Yongshun. Malheureusement ces réserves manquent de moyens financiers, humains et matériels si bien qu'elles sont inefficaces.

Du 23 septembre au 23 octobre 2013, 1 200 salamandres géantes issues d'un programme d'élevage en captivité ont été relâchées dans le secteur de Huangshan dans la province chinoise du Anhui. A cette occasion, les autorités ont rappelé que depuis 2008 au moins 15 000 individus avaient été introduits dans 11 provinces (Anhui, Fujian, Gansu, Guangdong, Guangxi, Henan, Hunan, Jiangxi, Shanxi, Shaanxi et Zhejiang). Cependant tant que les problèmes liés à l'habitat ne sont pas réglés, ces réintroductions semblent elles aussi assez inefficaces.

 


Photos de la réintroduction de 1 200 salamandres géantes chinoises dans le milieu naturel, en 2013
© EDGE - Zoological society of London

 


Salamandre géante de Chine, Ocean Park d'Hong Kong - 24 août 2013 - © Jérôme POUILLE

 


La salamandre géante de Chine, le plus grand amphibien vivant sur Terre, au zoo River Safari de Singapour - 26 août 2013 - © Jérôme POUILLE

 

Salamandres géantes mâles au Tierpark Chemnitz, en Allemagne - © Dube et Schikora - Tierpark Chemnitz

 

Pour en savoir plus :

        > Projet "Panda 1+1"

        > Wikipédia : la salamandre géante de Chine

        > EDGE of existence (ZSL) : Chinese giant salamander

        > Arkive : Chinese giant salamander

        > Liste rouge de l'IUCN : Chinese giant salamander