La réserve naturelle de Wanglang (王朗自然保护区) protège un territoire de 32 297 hectares compris entre 2 300 et 4 980 mètres d'altitude (3 200 mètres d'altitude en moyenne, les altitudes les plus faibles sont au sud-est de la réserve, les plus élevées au nord-ouest) à la pointe nord-ouest du comté de Pingwu (province du Sichuan), dans les monts Minshan, l'une des six grandes chaînes montagneuses habitées par les derniers pandas sauvages. Elle a été approuvée par le gouvernement provincial du Sichuan en septembre 1965, sur la base d'une première aire de protection établie deux ans plus tôt, et avec les réserves naturelles de Baihe, Wolong et Labahe (établies toutes les trois en 1963), elle fut l'une des premières réserves naturelles pour le panda à voir le jour dans la province du Sichuan. La même année, 1965, voyait l'établissement de la réserve naturelle de Taibaishan dans la province du Shaanxi.
Au nord-ouest, la réserve de Wanglang est en connexion directe avec celle de Jiuzhaigou, au nord-est avec celle de Wujiao, au sud-ouest avec celle d'Huanglong et au sud-est avec celle de Longdishui.
Carte du comté de Pingwu (frontière bleue) et des réserves naturelles du comté (Xuebaoding en jaune, Xiaohegou en violet, Wanglang en rose) et frontalières à celle de Wanglang (Huanglong en bleu clair, Jiuzhaigou en marron, Wujiao en orange, Longdishui en noir). NB : Le comté de Pingwu comporte d'autres réserves naturelles à statut « communautaire » non représentées sur cette carte (Laohegou et Guanbagou notamment) - © Jérôme POUILLE
La saison sèche (de novembre à avril) se caractérise par un fort ensoleillement, de faibles précipitations, un climat froid et un air sec ; la saison humide (de mai à octobre) se caractérise par des précipitations concentrées, un temps nuageux et brumeux, un faible ensoleillement et un climat chaud et humide. La température moyenne annuelle est de 2,5 à 2,9°C, la température moyenne en juillet est de 12,7°C, la température moyenne en janvier est de -6,1°C, la température minimale extrême est de -17,8°C, la température maximale extrême est de 26,2°C. Les précipitations annuelles sont de 859,9 mm et le nombre de jours de pluie est de 195 jours, concentrés en mai, juin et juillet.
Les principaux cours d'eau irriguant la réserve sont : Zhangbaigou (长白沟), Dawodanggou (大窝凼沟), Zhugenchagou (竹根岔沟), Xigou (西沟), Donggou (东沟) et Jixiegongpenggou (机械工棚沟). Après leur confluence, ils forment la rivière Baimahe (白马河), principal affluent du cours supérieur de la rivière Fu (涪江).
Le taux de couverture forestière est d'environ 49,4%.
Carte des cours d'eau principaux, des routes, des deux stations de conservation, et de la répartition des pandas géants - © Modifié par Jérôme POUILLE
Selon les données du 4ème recensement national des pandas géants sauvages et de leur habitat, qui s'est déroulé de 2011 à 2014, elle abrite 28 pandas sauvages, contre 27 dénombrés une décennie auparavant (selon le troisième recensement officiel, mené de 1999 à 2003). Toujours selon les données les plus récentes, 45,60% de la réserve constituent un habitat pour le panda géant soit 14 726,89 hectares, une superficie en recul de 25,25% par rapport à celle du troisième recensement (19 701 hectares). 92,62% de cet habitat est considéré comme de bonne qualité pour le panda. A noter qu'en juin 2011, Wanglang avait été choisie pour expérimenter la méthodologie qui allait être déployée quelques mois plus tard sur l'ensemble de l'aire de distribution de l'espèce pour ce quatrième recensement.
Carte de l'habitat occupé par le panda géant dans la réserve naturelle de Wanglang - © Animals 11(8), 2021, modifié par Jérôme POUILLE
A Wanglang, les pandas occupent généralement des habitats avec une forte densité d'arbres tombés (forêts plutôt anciennes donc), une faible densité d'arbustes (ce qui évite aux pandas de dépenser trop d'énergie à les franchir lorsqu'ils se déplacent) et une couverture en bambous comprise entre 50 et 75%. Une étude publiée en 2014 a montré que les pandas géants de Wanglang n’utilisaient pas les habitats sur lesquels les routes ont un impact et, comparativement aux habitats du panda géant, les habitats influencés par des routes sont caractérisés par une densité de bambous plus faible et une perturbation des sources de nourriture.
La population de pandas sauvages des monts Minshan est fragmentée en deux grands groupes de plusieurs sous-populations, le groupe A sur les deux-tiers nord des monts Minshan (comtés de Wudu, Diebu, Zhouqu, Wenxian, Zoigê, Jiuzhaigou, Songan, Pingwu, Qingchuan, Maoxian en partie et Beichuan en partie), auquel appartiennent les pandas de Wanglang, et le groupe B sur le tiers sud (comtés de Anxian, Beichuan en partie, Maoxian en partie, Mianzhu, Shifang, Pengzhou, Dujiangyan et Wenchuan en partie).
Au sein du groupe A, les pandas vivant dans la réserve de Wanglang appartiennent à la sous-population « Jiuzhai - Baime (九寨一白马) » qui compte 167 pandas. Rappelons que les 1 864 derniers pandas sauvages sont fragmentés en 33 sous-populations, dont 22 abritent moins de 30 pandas chacune.
Une seule espèce de bambous est comestible pour les pandas de Wanglang, il s'agit de Fargesia denudate (缺苞箭竹).
Aujourd'hui, la réserve naturelle de Wanglang est entièrement intégrée au parc national pour le panda géant officiellement approuvé en octobre 2021 par le président chinois Xi Jinping.
Le comté de Pingwu est le comté abritant le plus de pandas sauvages, 335 individus au total selon le 4ème recensement national soit près d'un quart des pandas (24,15% exactement) vivant dans le Sichuan, et 17,97% de la population totale. 48,47% du comté est considéré comme un habitat du panda, soit 11,19% de l'habitat total du panda en Chine.
Le comté de Pingwu et la minorité tibétaine Baima :
Le peuple et la culture connus sous le nom de Baima (白马) résident à Baimaxiang (白马乡), à la frontière sud et sud-est de la réserve naturelle de Wanglang. On estime à environ 15 000 le nombre de Baima vivant en Chine, dont la majorité vit dans le comté de Pingwu (les autres Baima vivent dans les comtés voisins de Jiuzhaigou et Wenxian respectivement dans les provinces du Sichuan et du Gansu).
Le peuple Baima est originaire d'un endroit très à l'Est. Leurs légendes d'origine racontent leur fuite vers leur patrie actuelle il y a plusieurs siècles, persécutés par une tribu plus agressive. Ils se sont installés sur le territoire et se sont lancés dans l’agriculture et l’élevage, ce qu’ils font encore aujourd’hui.
Les Baima sont uniques dans le comté de Pingwu dans leur culture, leur langue, leurs vêtements, leurs traditions et leurs croyances. Elles excellent dans le chant et la danse – le chant est un élément majeur de tout rassemblement où les femmes Baima font une sérénade aux invités et leur offrent une tasse de vin de miel fait maison. Lors des festivals, les femmes et les hommes exécutent des danses en cercle élaborées tandis que les hommes incarnent des figures animistes légendaires portant des costumes et des masques sauvages.
Il n'existe pas de langue écrite Baima, donc toute l'histoire et les légendes sont transmises oralement. Il est courant qu’un homme du village partage des histoires sur son passé et des récits d’animaux et de lieux avec ses invités. Les Baima croient aux esprits et aux forces de la nature, ainsi qu'au Dieu de la Montagne. Chaque village possède une divinité gardienne de la montagne qui est vénérée lors d'une cérémonie spéciale une fois par an. Ils ont également un arbre sacré du village, ou plusieurs, qui se dressent isolés et hauts près de la montagne sacrée.
Les maisons traditionnelles Baima sont entièrement en bois, sans clous ni attaches métalliques, hormis des chevilles en bois et une construction à rainures et languettes. La construction d'une maison est un événement de bon augure auquel participe toute la communauté. À l'issue de la construction, le chaman du village bénit la maison et porte bonheur à ses occupants, ce qui culmine par un rituel de surélévation du toit.
L'établissement de la réserve naturelle :
Avant 1952, Wanglang était une terre de pâturage et de forêts. En octobre 1952, la Compagnie d'exploitation forestière du nord du Sichuan (Northern Sichuan Logging Company) s'installa dans les zones forestières de Baima et de Wanglang et créa le Bureau des forêts du nord du Sichuan (Northern Sichuan Forestry Bureau). Elle commença à exploiter du bois à Wanglang pendant trois ans et contribua largement à la construction de la ligne ferroviaire reliant Baoji à Chengdu.
En 1959, Zhu Jing et d'autres membres de l'Académie chinoise des sciences ont mené une enquête scientifique à Wanglang et ont commencé à planifier la faisabilité de la création d'une réserve naturelle.
En 1963, la province du Sichuan a désigné une zone de 10 000 hectares dans la zone forestière du comté de Pingwu comme réserve naturelle pour protéger les pandas géants et les rhinopithèques de Roxellane. Le comté de Pingwu a mis en place une équipe spéciale pour enquêter sur la zone forestière de Wanglang.
En 1965, le comté de Pingwu a demandé la création d'une réserve naturelle à Wanglang et a établi la première station de gestion de la réserve. Zhong Zhaomin (钟肇敏), natif du comté de Pingwu, a étudié la conservation de la vie sauvage dès 1960 au collège de la forêt à Beijing. En avril 1965, il est affecté au Bureau des forêts du comté de Pingwu et en mai suivant il dirige une équipe pluridisciplinaire pour explorer pendant 10 jours la réserve et ainsi décrire sa situation écologique et ainsi appuyer la demande auprès du gouvernement provincial d'établir officiellement une réserve naturelle. En septembre de la même année, le gouvernement de la province du Sichuan l'a approuvée.
En avril 1967, l'Académie chinoise des sciences, le ministère des forêts, l'École de foresterie du Nord-Est, le zoo de Pékin et d'autres unités ont mobilisé du personnel pour mener une étude scientifique de la réserve naturelle de Wanglang. L'étude a été abandonnée en cours de route en raison des troubles de la Révolution culturelle mais a pu reprendre en 1968 et s'est poursuivie jusqu'en juillet 1969.
Une partie de l'équipe en charge des investigations en mai 1968, dont Zhu Jing de l'Institut de zoologie de l'Académie chinoise des sciences - © Wanglang NR
En mai 1973, une édition spéciale du People's Pictorial (人民画报) présentait les résultats de cette enquête, ainsi que la riche biodiversité et l'écosystème forestier intact de Wanglang ; ce qui a eu pour effet d'attirer encore davantage l'attention des scientifiques.
L'article sur Wanglang publié pages 18, 19 et 20 dans le numéro de mai (numéro 5) de l'année 1973 du magazine People's Pictorial (人民画报)
En 1976, un tremblement de terre majeur a causé de graves dommages aux environs. Wanglang était situé à l'épicentre du séisme.
En 1979, le Comité révolutionnaire provincial du Sichuan a décidé que la réserve naturelle nationale de Wanglang serait gérée conjointement par la province du Sichuan et le comté de Pingwu, la province en étant l'entité principale.
En septembre 1985, le gouvernement du comté de Pingwu et l'Institut de recherche forestière du Sichuan ont validé le projet d'« Étude sur l'écologie du bambou, l'alimentation de base du panda géant » (« Study on the ecology of giant panda's staple bamboo »), financé par le ministère des Forêts et doté d'un budget d'un million de yuans. Ces recherches ont été menées dans la réserve naturelle de Wanglang pendant dix ans. Les principaux axes de recherche comprenaient : le renouvellement du bambou après sa floraison, la culture artificielle du bambou, l'expérimentation de l'introduction d'un nouveau bambou, l'expérimentation sur le retard de floraison.
Un personnage clef de la construction de la réserve est Leng Yuyang (冷峪旸), affecté dès 1955 pour les opérations de déforestation puis de replantation et de lutte contre les incendies auprès du bureau des forêts du comté de Pingwu. Avec les premières mesures de protection et de recherche scientifique, il change progressivement de casquette pour la conservation de la faune sauvage de Wanglang.
Leng Yuyang - © Wanglang NR
Geng Shengwa et le panda Ping Ping :
En mai 1955, Geng Shengwa (庚生娃), un cavalier Baima, captura un jeune panda né l'été précédent dans le district de Wanglanglin. Sous la coordination du Bureau de gestion forestière de Pingwu, l'animal fut d'abord transporté en cage jusqu'à la ville de Long'an (龙安镇), dans le comté de Pingwu, puis transporté en voiture jusqu'à Jiangyou (江油), puis en train jusqu'au zoo de Chengdu, et enfin au zoo de Pékin en juin suivant. Le panda fut nommé Ping Ping 平平 en référence au comté de Pingwu où il a été capturé.
Geng Shengwa et le jeune panda Ping Ping
En 1957, la Chine de Mao Tse-Tung offre à la Russie de Nikita Khrouchtchev un panda, il s'agit de Ping Ping, qui s’envolera de Chine le 12 mai 1957 et qui séjournera au zoo de Moscou du 18 mai 1957 au 29 mai 1961. C'est le premier cadeau diplomatique post Seconde guerre mondiale et il a été offert aux citoyens de Moscou par le maire de Beijing de l’époque, Peng Zhen.
Zhong Zhaomin élève de nombreux pandas sauvages capturés jeunes :
Entre 1973 et 1983, Zhong Zhaomin (钟肇敏) et sa famille ont participé au sauvetage et à la capture de nombreux pandas suite à la floraison puis la mort en masse des bambous. Ils ont ainsi secouru 32 pandas dont 14 étaient de jeunes animaux de moins de 15 kilogrammes qu'ils ont dû prendre en charge.
Le premier panda que Zhong Zhaomin a personnellement élevé avait été nommé Lang Lang (朗朗). Il s'agissait d'un bébé panda, pesant 10 kilos, découvert à Xigou (西沟) alors que le personnel de la réserve accompagnait le journaliste de People's Pictorial, Chen Heyi. L'animal a été placé dans la maison de Zhong Zhaomin pour être nourri. Zhong Zhaomin et sa femme Chen Xihua (陈锡华) lui préparaient une mixture composée de lait en poudre, de fécule de maïs, de sucre et d’eau froide et la lui donnaient au biberon. Craignant que ce ne soit pas assez nutritif, ils rajoutaient aussi du riz fris qu’ils écrasaient en poudre. Lang Lang a ensuite été affecté au zoo de Pékin et rebaptisé Yan Yan (燕燕) pour l'occasion. C'est ce panda, retranscrit Yen Yen par les Français, qui a été offert en novembre 1973 par le Premier ministre chinois Zhou Enlai au Président français Georges Pompidou alors qu'il effectuait la première visite présidentielle d'un chef d'Etat français en Chine. Yen Yen, accompagné de Li Li, a rejoint le zoo de Vincennes le 8 décembre 1973 où il a vécu jusqu'au 20 janvier 2000 (Li Li est mort quant à lui en avril 1974).
Parmi les autres pandas capturés ou secourus par Zhong Zhaomin puis envoyés en captivité, citons le mâle Wei Wei et la femelle Jiao Jiao qui avaient intégré la troupe acrobatique du cirque de Shanghaï, le mâle Ping Ping qui est passé à Dublin en 1986, la femelle Ming Ming qui est passé à Dublin en 1986 et qui a vécu à Londres entre octobre 1991 et octobre 1994 ou encore le mâle Ying Xin qui a été exposé en 1984 aux zoos de Los Angeles et San Francisco. Zhong Zhaomin avait accompagné Ping Ping et Ming Ming durant leur séjour à Dublin.
Conservation du panda géant et communautés locales :
Le comté de Pingwu a été fortement touché par une déforestation massive dans les années 1950’s, un désastre environnemental mais aussi pour les communautés locales (les tibétains Baima) qui du fait de leur culture avaient une approche peu interventionniste sur la forêt.
L'ethnie Baima vit avec le panda géant depuis des générations et elle avait d'ailleurs activement participé au sauvetage de pandas affamés lors de la floraison suivie de la mort des bambous dans les années 1970's (l'espèce Fargesia a commencé à fleurir dans quelques places en 1969 puis la floraison a atteint un pic en 1975 avec la mort d'au moins 80% des branches ; 13 pandas sont morts de faim d'après un rapport de l'époque du WWF). Trois ans plus tard, en 1978, de premiers hangars sont construits à Baozigou (豹子沟), c'est le point de départ de l'établissement de la station de conservation du même nom. Aujourd'hui la réserve de Wanglang compte en plus de celle-ci une seconde station de conservation, celle de Muyangchang (牧羊场) où se situe le siège de la réserve, à une altitude d'environ 2 560 mètres.
Le site de Baozigou fut équipé à partir de 1982 d'installations pour héberger des pandas secourus ou affamés
Cette tragédie a valu une courte visite sur place d'une partie de l'équipe sino-américaine (en l'occurrence George Schaller, Hu Jinchu, Qin Zisheng et Xiao Qiu) à partir du 12 mai 1983, alors qu'elle explorait les monts Minshan en quête d'un nouveau site d'étude des pandas sauvages après leur long travail de terrain à Wolong. Dans son ouvrage The last panda, Schaller note alors qu'entre 10 et 20 pandas seulement vivent à Wanglang sans doute à cause de la floraison et mort massive des bambous au milieu des années 1970 et à cause d'un séisme en 1976 ; que plusieurs parties de la réserve ont été déforestées ; et que par conséquent le faible nombre de pandas à Wanglang ne justifiait pas une étude ici. L'équipe pluridisciplinaire choisira finalement en 1984 la réserve naturelle de Tangjiahe, dans le comté voisin de Qingchuan, pour mener de nouvelles recherches in situ.
En mars 1996, le Dr Lü Zhi (吕植, une scientifique chinoise qui a étudié aux côtés de Pan Wenshi les pandas sauvages dans les Monts Qinling), alors responsable du programme panda de la branche chinoise du WWF, rejoint la réserve naturelle de Wanglang sur demande de l'ancien Ministère des forêts. Elle déplore alors le manque de budget affecté à la réserve qui ne permet pas au personnel un travail efficace, une réserve qui s’est construite en opposition aux Baima, la minorité locale.
Avec l’aide de Wang Hao et Wang Dajun, elle forme le personnel de la réserve aux véritables tâches pour la conservation de la nature ; le tout en lien avec le directeur nouvellement nommé début 1997. Partant du principe que pour lutter contre la collecte de bois il fallait aussi développer l'économie locale, le WWF introduit le concept de développement et de conservation intégrés dans le comté et discute avec le gouvernement local et les communautés pour trouver des solutions gagnant-gagnant.
Lu Zhi forme ceux qui vont porter le développement de la réserve naturelle de Wanglang
En 1997, le WWF, le comté de Pingwu et la réserve de Wanglang lancent ainsi un projet intégré de conservation et de développement (ICDP : Integrated Conservation and Development Project) qui promeut des pratiques de conservation en accord avec le contexte social, économique et culturel d’un espace donné. C’est le premier programme de ce type initié en Chine. A cette époque, environ 60 % des revenus du comté était en lien avec l’exploitation forestière. Malgré tout la population et le bureau des forêts du comté s’inquiétaient de cette déforestation effrénée sur le moyen et long termes. En 1998, le moratoire sur la déforestation permet au projet de discuter de solutions sur le long terme mais en même temps est un désastre surtout économique pour les Baima, malgré les compensations financières du gouvernement. A partir de 2001, l’ICDP de Pingwu accueille ses premiers écotouristes pour diversifier les ressources économiques des habitants mais Lu Zhi soulève le risque d'un tourisme de masse à Wanglang avec l’arrivée de tours opérateurs.
Ce concept d'ICDP a joué un rôle majeur dans l'exploration d'options alternatives à la déforestation tels la culture de champignons, la production de miel, l'exploration d'autres produits non issus de la forêt et l'écotourisme.
Le bétail, nouvel ennemi du panda
A Wanglang, l'ICDP a eu pour effets indésirables d'encourager la possession de yaks et de chevaux hybrides et l'augmentation de la taille des élevages (les revenus de ce programme ayant été dédiés à l'achat de ces animaux).
En 2017, une équipe de chercheurs a démontré que ces politiques forestières visant à stopper la déforestation et à protéger l’habitat des pandas géants encourageaient simultanément les communautés locales à élever du bétail qui divague librement dans les forêts. Dans les 15 dernières années, le bétail a été multiplié par 9 dans la réserve de Wanglang. Le bétail, en particulier les chevaux, conduit à une réduction significative de la biomasse en bambous et de la régénération du bambou. Les zones les plus utilisées par le bétail sont dans les vallées, qui sont aussi les zones que préfèrent les pandas. Le bétail réduit l'habitat du panda de 34% et les pandas ont ainsi été « chassés » des zones intensivement utilisées par le bétail.
Une étude complémentaire de 2020 démontre que le panda va ainsi préférer aller dans un habitat de moindre qualité (plus haut en altitude, ou avec une densité d'arbres plus importante, ou encore avec une couverture en bambous moindre) que de partager son habitat avec le bétail.
Visite du dimanche 13 avril 2025 : Villages Baima près de la réserve naturelle de Wanglang
Le dimanche 13 avril 2025, avant d'aller dans la réserve naturelle de Wanglang, j'ai eu l'opportunité de visiter deux villages habités par les Baima et dont plusieurs habitations ont été converties en chambres d'hôtes.
L'un des aspects caractéristiques de la culture Baima réside dans les vêtements traditionnels arborés par les villageois. Hommes et femmes portent des costumes différents et arborent un chapeau en feutre orné de plumes de coq blanches. En effet, dans un passé lointain, le coq aurait sauvé la vie à des Baima en les réveillant alors qu'ils allaient être attaqués.
Les Baima élèvent des yaks et des chevaux principalement, et produisent du miel. Les chevaux servent surtout pour transporter du matériel mais sont aussi montés lors de fêtes traditionnelles lors desquelles se ressemblent à un même endroit les habitants de plusieurs villages.
Village Baima de Papujia (扒普加) - 13 avril 2025 - © Jérôme POUILLE
Village Baima de Yazhezaozu (亚者造祖) - 13 avril 2025 - © Jérôme POUILLE
Borne en périphérie du village de Yazhe Zaozu (亚者造祖) qui détaille la création du parc national pour le panda géant - 13 avril 2025 - © Jérôme POUILLE
Visite du lundi 14 avril 2025 : Dawodang (branche en direction du nord-ouest)
J'ai été accueilli ce lundi 14 avril matin par M. Yang, un des personnels de la réserve de Wanglang. Âgé de 24 ans, cela fait un an qu'il travaille dans cette réserve qu'il connaît depuis bien plus longtemps. En effet, M. Yang est né dans le village de Yazhezaozu (亚者造祖) que j'ai pu visiter la veille et venait régulièrement enfant à Wanglang. L'un de ses grands-pères a même participé aux premières investigations dans la réserve naturelle et a amplement milité pour la protection de ce territoire alors utilisé comme pâture pour le bétail des Baima.
M. Yang, après avoir servi quelques années dans l'armée, a donc fait le choix de revenir à ses racines, et a la chance de pouvoir rentrer tous les soirs dans son village.
L'entrée de la réserve naturelle de Wanglang - 14 avril 2025 - © Jérôme POUILLE
Merci à M. Yang pour sa sympathie, tous ses partages et toutes ses connaissances
Cette première journée a été consacrée à l'exploration de la vallée de Dawodang (大窝凼), la branche Ouest de la réserve, qui n'est actuellement pas accessible au public. Nous avons parcouru la totalité de la vallée, aller-retour, pour un total d'une quinzaine de kilomètres. De part et d'autre de la rivière se trouvent de nombreux bosquets de bambous de l'espèce Fargesia denudate (缺苞箭竹), celle dont se nourrissent les pandas de Wanglang. Cette vallée constitue donc un habitat favorable au panda.
Carte de situation du secteur de Dawodang
Quelques vues de la vallée de Dawodang et de son écosystème, les bambous de l'espèce Fargesia denudate présentent la particularité d'avoir des chaumes très fines en diamètre - 14 avril 2025 - © Jérôme POUILLE
Nous avons eu l'opportunité d'observer un couple de hokkis bleus (Crossoptilon auritum), cette espèce qui ne vit qu'en Chine centrale présente la particularité de vivre ainsi toujours en couple - 14 avril 2025 - © Jérôme POUILLE
Visite du mardi 15 avril 2025 : Zhugencha (branche en direction du sud) et camp d'exploration
Ce mardi 15 avril, l'objectif était de mieux connaître les écosystèmes dans la vallée de Zhugencha, il s'agit de la route qui part en direction du sud de la réserve de Wanglang.
Carte de la situation de la branche correspondant à la vallée de Zhugencha, ainsi qu'au secteur du camp d'exploration
Toujours avec M. Yang, le premier arrêt était à mi-chemin de cette route de Zhugencha, pour mieux appréhender l'écosystème humide unique de Ganhaizi (甘海子), situé à une altitude d'environ 3 000 mètres, qui n'est en eau qu'à partir de fin mai lorsque les sources dégèlent et qu'elles relarguent l'eau accumulée pendant la période hivernale et printanière. En cette mi-avril, il s'agit toujours d'un complexe humide mais pas en eau. Les mousses et le sol retiennent l'eau pendant la période où la nature en a le moins besoin et la relarguent lorsque la météo est plus sèche.
Le complexe tourbeux humide de Ganhizai n'est encore pas noyé en cette saison - 15 avril 2025 - © Jérôme POUILLE
La réserve naturelle de Wanglang est irriguée par trois cours d'eau secondaires (eux-mêmes comportent de nombreux affluents) : Dawodang (大窝凼) [secteur exploré le jour précédent], Zhugencha (竹根岔) [le présent secteur exploré ce jour] et Zhangbaigou (长白沟) [non desservi par une route]. Ces trois cours d'eau se rejoignent non loin de l'entrée de la réserve de Wanglang pour former la rivière Huoxi (火溪河) qui elle-même se jette dans la rivière Fu (涪江) qui prend sa source dans la réserve naturelle d'Huanglong.
Carte du relief de la réserve naturelle de Wanglang et ses alentours, pour mieux comprendre les écoulements : 1- Baishagou (白沙沟) ; 2- Zhugencha (竹根岔) ; 3- Dawodang (大窝凼) ; 4- Jincaopo (金草坡) ; 5- Muyangchang (牧羊场) ; 6- Réserve naturelle nationale de Xuebaoding (et son mont Xuebaoding culminant à 5 588 m) ; 7- Réserve naturelle de Huanglong (et son lac Wucaichi à une altitude de 3 578 m) ; 8- Réserve naturelle nationale de Jiuzhaigou (et son mont Gaernafeng culminant à 4 528 m) - © Modifié par Jérôme POUILLE
A l'extrémité sud de la vallée (à l'amont donc), à Baishagou (白沙沟 ; environ 3 150 mètres d'altitude) les stigmates des deux séismes de 1976 de magnitude 7.2 sont encore bien visibles sous la forme d'éboulements de terrain sur lesquels la végétation n'a pas encore repris ses droits. Malgré tout, de nouveaux écosystèmes se sont créés et une nouvelle biodiversité a vu le jour notamment de nombreuses espèces d'orchidées. Les monts du sud de la réserve sont encore enneigés mais ne le sont pas toute l'année.
Les espèces arbustives rencontrées sont notamment les suivantes : l'espèce de genévrier Sabina procumbens (= Juniperus procumbens), l'espèce endémique du Tibet et du sud de la Chine Juniperus saltuaria, le sapin de Farges (Abies fargesii ; une espèce de conifères originaire du centre et de l'est de la Chine), l'épinette à cône violet (Picea purpurea ; une espèce que l'on ne trouve qu'en Chine).
Un des glissements de terrain consécutifs aux séismes de 1976 encore bien visibles - 15 avril 2025 - © Jérôme POUILLE
Le système forestier de Baishagou à plus de 3 000 mètres d'altitude, avec les sommets les plus hauts de Wanglang en toile de fond - 15 avril 2025 - © Jérôme POUILLE
En seconde partie d'après-midi, j'ai pu me rendre sur les hauteurs derrière le camp d'exploration (qui jouxte la station de conservation de Muyangchang), ce secteur constitue également un habitat du panda. Les bosquets de bambous de la même espèce que la veille (Fargesia denudate) constituent le sous-bois d'une partie de ce mont. J'ai pu apercevoir un élaphode (un cervidé) (Elaphodus cephalophus) et un couple de hokkis bleus (Crossoptilon auritum).
Les hauteurs de la station de conservation de Muyangchang présentent un habitat favorable au panda géant - 15 avril 2025 - © Jérôme POUILLE
Vue depuis les hauteurs de la station de conservation de Muyangchang - 15 avril 2025 - © Jérôme POUILLE
L'élaphode aperçu derrière la station de conservation de Muyangchang - 15 avril 2025 - © Jérôme POUILLE
Près de la station de conservation de Muyangchang et du camp d'exploration - 15 avril 2025 - © Jérôme POUILLE
Un grand merci à mon chauffeur et interprète Jack, à M. Yang qui m'a accompagné ces deux jours pour me partager ses connaissances sur la réserve naturelle et la culture Baima et au reste du staff de la réserve naturelle de Wanglang !
Pour en savoir plus :
> Un panda sauvage aperçu par un ranger de la réserve naturelle de Wanglang (28 mars 2023)
> Un panda mâle filmé en pleine saison des amours dans la réserve naturelle de Wanglang (25 mars 2022)
> Un panda sauvage observé sur une route de la réserve naturelle de Wanglang (20 août 2020)
> Une mère et son jeune photographiés dans la réserve naturelle de Wanglang (22 juillet 2014)
> 31 août 2011 : Un grand panda photographié mi-août dans le corridor de Huangtuliang
> 13 avril 2009 : Rencontre avec un panda sauvage dans la réserve naturelle de Wanglang