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         Les ancêtres du panda

         Un ours connu depuis des millénaires dans l’Orient mystérieux

         Comment l’existence du panda fut rapportée au monde occidental

         Un trophée de chasse

         Les premiers pandas vivants exportés vers l'Occident

 

Le plus vieil ancêtre connu du panda géant vivait il y a 8 à 9 millions d'années. Depuis, comme toutes les autres espèces, il a évolué et s'est adapté aux bouleversements géologiques et climatiques pour aboutir au panda géant moderne, celui que l'on retrouve aujourd'hui. Connu depuis des siècles dans l'Orient, le trésor national chinois a de tout temps été entouré d'un profond mystère et porteur de symboles, jusqu'à ce que son existence soit révélée au monde occidental par un missionnaire et naturaliste français, en 1869. Depuis, le grand ours chat, comme le surnomment les Chinois, n'a eu cesse d'être l'animal de toutes les convoitises.

 

Les ancêtres du panda

Le siècle dernier, les paléontologistes ont découvert un peu plus d'une centaine de sites fossiles de panda géant en Asie, notamment en Chine. L’étude de ces fossiles sporadiques a permis de préciser l’évolution de l’espèce.

Le panda géant appartient à l'ordre des carnivores. Leur plus vieil ancêtre, le carnivore Creodont, vivait au Paléocène (début de l’ère Tertiaire) il y a 60 millions d’années. Miacis, le descendant direct de Creodont, a vécu durant le Paléocène et l'Eocène et a divergé ensuite en deux branches. Une branche, les Feloidea, consiste aux mammifères modernes proches des chats (dont les Viverridae, Herpestidae, Felidae et Hyaenidae). L'autre branche, les Cynoidea, consiste aux mammifères modernes proches des ours (dont les Canidae, les Ursidae, les Ailuridae, les Ailuropodidae et les Mustelidae).

Le plus ancien ancêtre connu du panda géant est Ailurarctos (un Ailuropodidae donc descendant des Cynoidea), il vivait il y a 8 millions d’années environ (fin du Miocène). Les fossiles ont révélé qu’Ailurarctos vivait près des marais et ne se nourrissait pas entièrement de bambous. C’est seulement parce que le grand panda s’est retiré dans un environnement écologique unique dans la dernière phase de son évolution qu’il a commencé à se nourrir principalement de bambous, abondants, pour éviter des compétiteurs alimentaires.

Les fossiles d’Ailurarctos datant de la fin du Miocène ont été découverts dans la couche de lignite à Lufeng et Yuanmou (nord-ouest de la province du Yunnan en Chine) et ont été nommés respectivement Ailurarctos lufengensis et Ailurarctos yuanmouensis.

Une branche d’Ailurarctos a évolué en Ailuropoda microta, une forme plus petite du grand panda actuel, mais un peu plus grande qu'Ailuractos, qui occupait de larges aires dans dans le sud-ouest, le sud, le centre et le nord-ouest de la Chine. Néanmoins, au milieu du Pléistocène (il y a 600 000 à 700 000 ans), Ailuropoda microta s’est progressivement éteint dans la lutte pour la survie et a été remplacé à la fin du Pléistocène Inférieur par un panda géant de plus grande taille, qui a subi de multiples transitions entre des climats froids et chauds. Les caractéristiques du crâne de ce dernier panda n’ont pas de différences fondamentales avec le panda géant actuel Ailuropoda melanoleuca, au point que les deux espèces peuvent être assimilées à la même espèce. Cependant, la taille du crâne indique que cette sorte de panda géant était plus grosse que l’actuel, il a donc été nommé Ailuropoda melanoleuca baconi, après un accord entre scientifiques. A. m. baconi est l'ancêtre le plus récent du panda géant. Il vivait il y a environ 700 000 ans et était largement distribué dans le sud-est de la Chine et apparaissait même au Myanmar (ex-Birmanie) et au Vietnam. Le pic du dernier (quatrième) âge glaciaire a eu lieu il y a 18 000 ans et le froid extrême et la hausse de l’Himalaya ont entraîné l’extinction d’A. m. baconi. Cette sous-espèce s’est éteinte majoritairement il y a 12 000 ans, avec la fin de cet âge glaciaire.

 


Simulation d'une scène du Pléistocène où vivait Ailuropoda melanoleuca baconi (faune Stegodon sinensis Owen).
© Base de Chengdu

 

La taille du grand panda actuel a rétréci d’un huitième à un neuvième comparée à celle d’A. m. baconi.

Certains auteurs pensent qu'il y a eu une sous-espèce de transition entre Ailuropoda microta et Ailuropoda melanoleuca baconi, nommée Ailuropoda melanoleuca wulingshanensis, qui a quelques caractéristiques similaires avec à la fois Ailuropoda microta et Ailuropoda melanoleuca baconi.

Le panda lors de l'Holocène est habituellement considéré comme l'Ailuropoda melanoleuca moderne et la taille de son corps est un peu plus petite que celle d'Ailuropoda melanoleuca baconi. Mais des données fossiles ont montré qu'Ailuropoda melanoleuca baconi a vécu un peu dans l'Holocène.

Depuis Ailurarctos, le panda géant a donc subi 8 à 9 millions d’années d’évolution. Comparé avec Ailuropoda melanoleuca baconi, l'aire de répartition d'Ailuropoda melanoleuca moderne est réduite. Trois événements majeurs l'expliquent : l'élévation du plateau tibétain, les fluctuations climatiques du Quaternaire et l'expansion rapide de l'activité humaine. 

 

Pour en savoir plus :

        > 19 Juin 2007 : Découverte en Chine d'un crâne du plus vieil ancêtre du panda géant

        > 1er Septembre 2006 : La découverte d'une dent de panda en Chine réjouit les scientifiques

        > 13 Janvier 2006 : Coup de pouce d'un carnivore fossile à une meilleure connaissance du panda

        > 21 Septembre 2005 : Les hommes primitifs du Guizhou mangeaient les pandas

        > 12 Septembre 2005 : Le plateau Yunnan-Guizhou, pays natal des pandas géants

        > Répartition actuelle et passée du panda

 

 

Un ours connu depuis des millénaires dans l’Orient mystérieux

Plusieurs auteurs revendiquent que de nombreux textes anciens font référence à un animal qui serait le panda géant. Les termes les plus fréquemment retrouvés sont ZouyuMo et Pixiu (ou Pi).

Des textes chinois du XIIe au VIIe siècle avant Jésus-Christ, durant la Dynastie des Zhou de l'Ouest, font déjà mention d'un animal alors dénommé Pi. Ainsi, Le livre de l'histoire utilise l'expression « comme un tigre et un pi », et Le livre des chants, la plus ancienne collection de poèmes chinois, contient la phrase « pour présenter la peau du pi » et précise que l'animal ressemble à un tigre ou un léopard.

Un dictionnaire de la Dynastie Qin, l’Er Ya, daté de 220 avant Jésus-Christ, fait mention d'un animal appelé mo en le décrivant comme un léopard blanc avec une petite tête, des pattes courtes et des marques noires et blanches, qui se nourrit de cuivre et de fer, de tiges de bambous, et en lui mentionnant un usage médicinal : sa peau serait utilisée dans le contrôle des menstruations.

Un livre ancien de géographie, la Description des montagnes et des fleuves (The classic of mountains and seas ou Shanhaijing), premier traité de géographie chinois vieux de plus de 2 700 ans, le décrit comme « un animal noir et blanc qui ressemble à un ours, se nourrit de cuivre et de fer et vit dans les montagnes de Qionglai, dans le comté de Yandao » (actuel comté de Yingjing, dans la province du Sichuan, où vit encore le panda).

Un dictionnaire de caractères chinois, Shuo Wen, datant d'environ 100 après Jésus-Christ, durant la Dynastie des Han de l'Est (de 25 à 220 après Jésus-Christ), note que mo « ressemble à un ours, a une couleur jaunâtre et vit dans le Sichuan. »

Les Annales du comté de Nanzhong mentionnent que l'animal « a une couleur blanchâtre, ressemble à un ours et qu'il lèche le fer et peut en manger 10 jin [5 kilos] en une seule fois ; et que sa peau est bonne pour garder la chaleur. »

Durant la Dynastie des Han de l'Ouest (de 206 avant Jésus-Christ à 24 après Jésus-Christ), l'Empereur aurait détenu dans ses jardins de Xi'an environ quarante espèces rares dont un panda, comme le rapporte l'historien Shang Linfu.

Dans cette même ville, Xi'an, lorsque l'Impératrice Dowager Bo, mère de Wen Di (quatrième Empereur de la Dynastie Han), mourut, elle fut enterrée dans le Mausolée royal de Nangling, près de Xi'an, et un crâne de panda fut placé dans sa tombe entre 179 et 163 avant Jésus-Christ environ.

 

Le crâne de panda retrouvé dans la tombe de l'Impératrice Dowager - © Wang Xueli

 

Sous les Jin, au IIIe siècle après Jésus-Christ, zouyu était symbole de paix, car il ne tuait et ne mangeait pas d'êtres vivants : lorsque deux armées s'affrontaient, si l'une d'elle dressait un étendard en représentant un, l'armistice était déclaré.

Li Shimin, Empereur de la Dynastie Tang (de 618 à 907 après Jésus-Christ) aurait donné des peaux de mo à quatorze de ses sujets en témoignage d'estime lors d'un banquet dans la ville de Xi'an, aujourd'hui capitale de la province du Shaanxi.

Selon des archives de la Famille Royale Japonaise, Tang Wu Zetian, Impératrice de 690 à 705 après Jésus-Christ de la Dynastie Tang (de 618 à 907 après Jésus-Christ) aurait offert deux pandas vivants et soixante-dix peaux à l’Empereur Japonais comme marque d'amitié. C'est le premier cas rapporté où le panda géant est utilisé comme cadeau diplomatique.

Au cours des siècles, ce sont au total une vingtaine de dénominations différentes qui ont été recensées dans la littérature, entretenant une difficulté et des confusions dans l'identification certaine de références au panda géant, son nom moderne. Sun Qian, un auteur chinois, également homme politique et spécialiste de la culture autour du panda géant mais aussi du thé, s'est replongé dans de nombreux documents anciens pour analyser si effectivement les anciens noms ZouyuMo et Pixiu (ou Pi) correspondent ou non au panda géant. Et sa conclusion est formelle : ces noms, contrairement à ce qui a été affirmé par quelques auteurs et repris par de nombreux autres, ne désignaient pas le grand panda. Mo désignait très probablement le tapir et Pi un félin, potentiellement la panthère des neiges. Ainsi, si l'on écarte les références historiques évoquant Zouyu, Mo et Pixiu (ou Pi), il reste peu de mentions historiques certaines au panda. Les deux majeures sont celles de l'Impératrice Dowager Bo, dont le crâne retrouvé dans sa tombe est celui d'un panda, et le premier cadeau diplomatique au Japon.

Elena Songster, qui a publié en 2018 l'ouvrage Panda Nation : The construction and conservation of China's modern icon, conclut à la faiblesse de la représentation du panda géant dans la culture chinoise ancienne et s’interroge sur le manque de références certaines au panda dans les textes anciens et notamment dans les ouvrages de médecine chinoise.

Aujourd'hui, le nom chinois le plus communément utilisé pour désigner le panda géant est da xiong mao pour grand ours-chat.

En dépit de cette connaissance ancestrale et l'aspect spectaculaire du panda, l'existence de l'animal demeura longtemps entourée d'un profond mystère. Les parchemins chinois abondent en représentations de tigres, de grues, de tortues et d'autres animaux auxquels étaient attribuées des valeurs spirituelles, mais le panda n'y figure jamais. Il fallut en fait attendre la moitié du XXe siècle pour voir des représentations de l'espèce dans les œuvres d'art chinoises.

Pour les savants européens, le panda géant resta un mythe jusqu'en 1869, date à laquelle le Père David, un missionnaire, naturaliste et explorateur français, en découvrit un exemplaire dans les montagnes sud-occidentales de la Chine.

 

Pour en savoir plus :

        > 24 Février 2005 : Un os de panda trouvé dans un ancien tombeau en guise de sacrifice

        > Le Père Armand David, celui qui a révélé au monde occidental l'existence du panda

 

 

Comment l’existence du panda fut rapportée au monde occidental

Accédez à la page spéciale consacrée à la découverte du panda géant par le Père Armand David, à Moupin, dans l'actuel comté de Baoxing.

 

 

Un trophée de chasse

Désormais, celui que l'on va nommer dans l'Occident « panda », le même nom déjà adopté pour le panda roux, va faire l'objet de nombreuses convoitises, tant scientifiques que de prestige, et tuer un panda va devenir un objectif pour nombre de Muséums, collectionneurs et chasseurs.

Le botaniste anglais Ernest Henry Wilson, connu pour avoir introduit un très grand nombre d'espèces de plantes d'Asie en Occident, a passé de nombreuses semaines dans les régions où vit le panda, dont Wolong en 1908, mais n'a jamais pu voir plus que des excréments de l’espèce noire et blanche nouvellement décrite.

Des notes publiées par l’explorateur britannique John Weston Brooke révèlent que son expédition a tué un panda en 1908 dans le comté de Wenchuan près de Wolong. Brooke, tué en 1909 par une tribu chinoise, ne pourra pas résoudre la question de l’identité du tireur, lui-même ou ses chasseurs locaux.

En 1916, un zoologiste allemand, Hugo Weigold, achète un panda captif à un local qui l'a capturé, mais le jeune animal meurt rapidement.

Le premier occidental qui aurait peut-être vu un panda vivant dans son milieu naturel est James Huston Edgar, un poète, explorateur et missionnaire australien, qui revendique en avoir aperçu un en 1916, mais cette prétendue observation sera fortement contestée dans le futur et peu de crédibilité y est aujourd’hui accordée.

Les premiers Occidentaux qui ont définitivement vu des pandas en vie dans leur habitat sont les membres des différentes expéditions qui se sont succédé en Chine dans le but de tuer l'animal. Les frères Roosevelt, Theodore Jr et Kermit, fils du président Roosevelt, accompagnés de Jack Young, Herbet Stevens, Philip Tao et Suydam Cutting, seront les premiers à tuer un panda pour le compte du muséum d’histoire naturelle de Chicago (The Field museum), c'était le 13 avril 1929. Ils furent suivis par l'expédition Dolan en 1931, puis par l'expédition Sage en 1934, et par un chasseur britannique solitaire le Capitaine C. H. Brocklehurst en 1935.

L’expédition Dolan, financée par l’Académie des sciences naturelles de Philadelphia et menée par Brooke Dolan, permit de tuer une jeune femelle le 13 mai 1931 mais ironiquement c’est un jeune naturaliste allemand membre de l’expédition, Ernst Schäfer, qui tua le jeune panda de dix mois perché dans un arbre. Brooke Dolan se contentera d’acquérir trois spécimens adultes auprès d’habitants.

L’expédition Sage, composée d’Anne Tilney Sage, Dean Sage Jr, William G. Sheldon, Floyd Smith et T. Donald Carter, a été menée pour le compte du Muséum américain d’histoire naturelle de New York (American museum of natural history) du 15 septembre au 15 décembre 1934. Leur première rencontre avec le beishung (ours blanc) se passe chez un fermier dans la vallée de Cheng Wai, qui possède deux peaux de panda et qui révèle à l’équipe que l’animal vient de temps en temps dans la vallée. La quête du panda, du terme employé par Dean Sage dans ses récits, commence ce jour là mais sera l’objectif de la journée du 8 décembre 1934. Après avoir suivi plusieurs traces sans succès, c’est finalement sur le chemin du retour que l’ours tant convoité va se présenter à Sage et Sheldon. « Nous avons tué un panda géant » conclut Dean Sage dans le récit de ses aventures pour le Muséum. Il s’agissait d’une femelle âgée. En 1937, William G. Sheldon dressera une description du régime alimentaire, de l’habitat, et des mœurs du panda géant dans la revue scientifique Journal of mammalogy sur la base de ses observations terrain, une description sous l’angle d’un chasseur où il se questionne sur l’intelligence de l’animal et son rapport au bambou si abondant et la possibilité de le capturer vivant pour le placer dans des zoos.

Le Capitaine britannique C. H. Brocklehurst tua un panda en 1935, le quatrième panda à être tué par un occidental. Il s’agissait d’un mâle adulte qui fera sensation lors de son exposition à Berlin en 1937 à l’occasion du Big game exhibition, une exposition internationale sur la chasse.

La phase suivante est la capture d'un panda vivant.

 

 

Les premiers pandas vivants exportés vers l'Occident

J'ai développé ce point et les débuts de la diplomatie du panda dans le chapitre « Les pandas en captivité ».