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Accès rapide aux chapitres de la page :

         Disparition et fragmentation de l'habitat, les deux menaces persistantes de nos jours

         Un moratoire sur la déforestation en vigueur depuis 1998

         Le braconnage, une menace réelle dans les années 1980, est rare de nos jours

         La floraison et la mort des bambous, une menace indirecte

         Des réserves naturelles insuffisantes et parfois inefficaces

         Le début des efforts de conservation, impulsés par le WWF et la pression occidentale

         Pandas et populations humaines : des solutions gagnant-gagnant

         La prise en compte des communautés locales : l'exemple à Pingwu

         Un autre exemple qui allie la conservation et le développement économique : le projet pour les pandas géants de Qinling

         Une approche où besoins des communautés locales et conservation du panda géant sont intimement liés

         Le programme « Grain-to-green », une incitation à la restauration des écosystèmes

         Le trésor national chinois au cœur des attentions des populations locales

         Reconnecter des habitats isolés

         Le changement climatique, une menace indiscutable mais délicate à anticiper

         L'habitat du panda en proie à des catastrophes naturelles

         La réintroduction dans la nature de pandas nés en captivité ne doit pas être une alternative à la protection des pandas sauvages et de leur habitat

         Le clonage, une piste abandonnée qui n'était pas une réponse aux menaces qui pèsent sur l'espèce

         Actualisation 2016 de la Liste rouge de l'IUCN : le statut de menace du panda géant passe de "en danger" à "vulnérable"

         Le panda géant, une espèce-parapluie

 

Ailuropoda melanoleuca baconi, l'ancêtre le plus récent du panda géant qui vivait il y a environ 700 000 ans (fin du Pléistocène), était largement distribué dans le sud-est de la Chine et même jusqu'à Beijing (dans 18 provinces chinoises au total) et apparaissait même au Myanmar (ex-Birmanie), au Vietnam et au nord de la Thaïlande ; comme en témoignent les nombreux fossiles retrouvés.

Dans les 5 000 dernières années, d’après les ouvrages historiques et les archives, le panda géant était probablement retrouvé dans les provinces chinoises du Sichuan, du Gansu, du Shaanxi, du Hunan, du Hubei, du Shanxi, du Henan, du Yunnan, du Guizhou, du Guangdong et dans l’actuelle municipalité de Chongqing.

Avant les années 1950, les six chaînes montagneuses occupées par le panda géant étaient interconnectées mais les aménagements humains ont depuis fragmenté cet habitat.

La réduction significative de l'aire de répartition du panda est donc plutôt récente et s'est accélérée au cours des derniers siècles, suite à l'accroissement exponentiel de la population humaine en Chine et son emprise sur les territoires occupés par le panda notamment pour les besoins agricoles et de développement des villes.

Depuis les années 1950, l’explosion de la démographie humaine, la déforestation, les activités minières, l’établissement de grands barrages, la construction de routes et de voies ferrées, la conversion de forêts en zones agricoles, la collecte de plantes médicinales et de bois de chauffage et de construction et le développement de secteurs résidentiels ont détruit et fragmenté l’habitat du panda.

De nos jours, seulement 1 864 pandas géants subsistent à l'état sauvage, dans six grands massifs montagneux du centre de la Chine, les monts Qinling dans les provinces du Shaanxi et du Gansu, les monts Minshan dans les provinces du Gansu et du Sichuan et les monts Qionglai, Daxiangling, Xiaoxiangling et Liangshan dans la province du Sichuan.

Après un état des lieux des menaces qui pèsent encore sur la survie du panda, nous verrons quelles solutions sont envisagées pour renforcer la protection de l'espèce. Profitons de cette page pour rappeler que ni le fait que le panda se nourrisse exclusivement de bambous, ni le fait qu'il se reproduise avec difficulté en captivité, ne sont des menaces pour les pandas sauvages. Leur biologie de la reproduction et leur régime alimentaire sont certes spécifiques, comme d'ailleurs pour chaque espèce animale ou végétale, mais ne sont en aucun cas des facteurs de menaces comme le dit encore trop souvent la presse. Seules la disparition et la fragmentation de l'habitat, causées par l'homme, sont les menaces qui pèsent sur le panda.

 

 

Disparition et fragmentation de l'habitat, les deux menaces persistantes de nos jours 

Braconnage, exploitation forestière et déforestation massive, conversion des forêts en terres agricoles, expansion des villes, développement effréné de la population chinoise et des activités de développement associées sont les maux qui ont conduit les derniers pandas sauvages à se réfugier dans un habitat en recul et fragmenté.

Trente-trois populations quasi isolées les unes des autres se répartissent un territoire de 2 576 595 hectares généralement compris entre 2 000 et 3 800 mètres d’altitude sur les contreforts sud-est du plateau tibétain dans un écosystème qualifié de « point chaud de biodiversité » pour sa richesse écologique et son caractère menacé.

Aujourd'hui, les deux menaces persistantes pour la survie du panda géant sont la disparition et la fragmentation de son habitat.

Selon les données du quatrième recensement national des pandas géants et de leur habitat (réalisé entre 2011 et 2014), les 1 864 pandas sauvages sont fragmentés en 33 sous-populations quasi-isolées les unes des autres. 22 de ces 33 sous-populations comportent moins de 30 individus chacune, la plupart d'entre-elles se situent dans la partie nord-ouest des monts Minshan. Ces 33 sous-populations se répartissent ainsi : 6 sous-populations dans les monts Qinling, 12 dans les monts Minshan, 5 dans les monts Qionglai, 3 dans les monts Daxiangling, 2 dans les monts Xiaoxiangling et 5 dans les monts Liangshan. Le recensement précédent, le troisième mené de 1999 à 2003, avait recensé 18 sous-populations et 1 596 pandas sauvages se répartissant un territoire de 2 304 991 hectares.

Toujours selon le 4ème recensement, seulement un peu plus de la moitié (55,6%) de l'habitat du panda est de bonne qualité ; 16,8% est de qualité moyenne et 27,6% de faible qualité. Ce sont les monts Qionglai qui possèdent la plus forte proportion d'habitats de bonne qualité (74,5% de l'habitat total dans les monts Qionglai) ; les monts Xiaoxiangling possèdent la plus faible (seul 29,9% de l'habitat dans ces monts est de bonne qualité).

Malgré la hausse des effectifs et l'augmentation de la taille de l'habitat, la population de pandas sauvages est davantage fragmentée et donc davantage menacée notamment à moyen et long terme. Avoir plus de pandas dont la survie à moyen terme est plus incertaine doit mitiger l'effet premier plutôt optimiste de l'augmentation du nombre de pandas.

Disparition et fragmentation de l'habitat ont pour conséquence une difficulté pour les individus à migrer, processus naturel indispensable notamment pour trouver un partenaire pour la reproduction et ainsi favoriser les échanges génétiques, mais aussi pour le jeune qui cherche à établir son propre territoire après la séparation avec sa mère, ou encore pour la recherche de sources de nourriture alternatives dans le cas d’épisodes de mort du bambou, la nourriture quasi exclusive du plantigrade chinois. Les conséquences sont dramatiques : limitation des échanges génétiques et du brassage génétique entre sous-populations, consanguinité (les individus qui se reproduisent peuvent avoir un lien de parenté), résistance amoindrie aux maladies, plus faible adaptabilité aux changements environnementaux, famines lors des floraisons en masse des bambous,…

Les pandas sauvages restent menacés à long terme, de part la fragmentation de leur habitat, et sans doute plus que jamais. L'accent pour le futur doit absolument porter sur la connexion entre-elles des sous-populations isolées et par une meilleure protection et gestion de l'habitat afin qu'il assure cette connexion et qu'il offre des bonnes conditions pour la survie du panda.

Ce même recensement récent a montré que plus d'un tiers des effectifs de pandas sauvages et environ la moitié de leur habitat ne sont pas protégés par le système actuel de réserves naturelles. Il est primordiale de créer davantage de réserves naturelles pour y intégrer les pandas et les habitats manquants. En effet, pour que la population puisse continuer à croître, l'habitat est un des paramètres clés. Mieux protéger l'habitat actuel, c'est éviter la poursuite de sa dégradation, sa perte et sa fragmentation, notamment en ce qui concerne l'habitat non inclus dans les réserves ou encore les habitats qualifiés de qualité moyenne ou de faible qualité. Voir chapitre ci-dessous : « Des réserves naturelles insuffisantes et parfois inefficaces ».

 


Chevaux en semi-liberté dans la vallée de Guobayan au cœur de la réserve naturelle de Fengtongzhai :
un problème pour les pandas sauvages ? Oui selon une étude de 2014 qui a démontré que la multiplication des chevaux
dans une réserve voisine, celle de Wolong, acquis par les agriculteurs mais laissés en semi-liberté dans les forêts,
rentrait en concurrence avec le panda notamment pour la sélection de l'habitat et également de la nourriture (bambous)
1er avril 2015 - © Jérôme POUILLE

 

 
Habitation tibétaine au nord de la réserve naturelle de Fengtongzhai - 2 avril 2015 - © Jérôme POUILLE
Des peuples ont partagé pendant des siècles l'environnement avec les pandas et se sont limités aux ressources
naturelles de leur secteur pour leur subsistance. Avec la croissance démographique, de nombreuses activités
humaines en opposition avec un développement durable ont sensiblement érodé l'habitat du panda.
Des millions de personnes vivent à l'intérieur et autour de l'habitat du panda dont un bon nombre dans les villes
de Xi'an et Chengdu. Avec l'augmentation des activités économiques, de plus en plus de personnes continueront
à se déplacer, ajoutant ainsi un peu plus de pression sur un écosystème déjà affecté.
Pandas et populations humaines, des besoins souvent contradictoires...

 


Barrage et retenue hydroélectrique au cœur de la réserve naturelle de Wolong - 3 avril 2015 - © Jérôme POUILLE
Le développement de l'hydroélectricité menace plusieurs secteurs de l'habitat du panda.

 

Pour en savoir plus :

        > Les résultats détaillés du 4ème recensement national des pandas géants et de leur habitat (9 juin 2015)

        > 1 864 pandas vivent à l'état sauvage selon le 4ème recensement national des pandas géants et de leur habitat (1er mars 2015)

 

 

Un moratoire sur la déforestation en vigueur depuis 1998

Dès les années 1950, les politiques impulsées par Mao Zedong (Mao Tsé-Tung), fondateur de la République populaire de Chine, conduisent à une surexploitation des ressources avec pour origine l’encouragement à une croissance illimitée de la population. En 1958, Mao met en œuvre le « Grand bond en avant », une politique industrielle de production sidérurgique. Des millions d’arbres vont être coupés pour produire du charbon de bois et alimenter les hauts fourneaux. La Révolution culturelle qui va suivre dès 1966 va plonger le pays dans le chaos et davantage d’exploitation et de destruction environnementales.

Partout la vie sauvage est exploitée, les animaux chassés pour leur viande, leur peau, leurs cornes. Plusieurs espèces sont décimées voire éradiquées et leur habitat est détruit. Le gouvernement de Mao encourage même l’élimination de plusieurs espèces animales par tous les moyens. Tigres, ours du Tibet, antilopes, loups, léopards, ibis du Japon, alligators de Chine et bien d’autres animaux seront presque exterminés dans plusieurs régions chinoises. Au braconnage s’ajoutent les prétendues vertus de la médecine traditionnelle chinoise et un panel culinaire chinois qui sacrifieront des centaines d’espèces animales pour satisfaire une demande croissante.

Le panda géant ne fait pas exception à la règle. Son habitat n’a pas échappé à une déforestation massive, au développement d’une agriculture de céréales, à l’expansion des villes, et même au braconnage.

Entre 1985 et 1998, quelques 70 millions de mètres cube de forêts ont été coupés dans le Sichuan. Dans le Shaanxi, la déforestation a débuté dès 1963 et a fortement dégradé les habitats du panda géant.

Le second recensement officiel des pandas géants, qui a pris fin en 1988, a révélé que 27 entreprises forestières d’Etat avaient déforesté 422 600 hectares de forêts naturelles entre 1950 et 1985.

En 1998 a été initié le Programme de protection des forêts naturelles (Natural forest protection programme), suivi par la promulgation la même année par le Conseil d'Etat d'un moratoire sur la déforestation dans les forêts originelles des cours moyen et supérieur du fleuve Yangtze. Ce moratoire intervient aussi consécutivement à de graves inondations la même année amplifiées par l’érosion des sols après des années de déforestation effrénée.

Ce moratoire sur la déforestation y compris dans l'habitat des derniers pandas sauvages est toujours en vigueur et est primordial pour la conservation de l'espèce.

Notons qu'il continue à exister malgré tout des cas de déforestation illégale. En octobre 2015, la branche chinoise de l'association de défense de l'environnement Greenpeace a publié un rapport montrant la persistance de la déforestation illégale dans les secteurs autour de la réserve naturelle de Fengtongzhai. L'enquête, qui a duré deux ans et qui se base sur des données de télédétection, a démontré que malgré le moratoire sur la déforestation en vigueur depuis 1998, l'exploitation forestière se poursuivait dans certains secteurs sous le motif de remplacer des forêts naturelles qualifiées par les exploitants forestiers comme ayant peu d'intérêt par des forêts à rendement économique important. Les autorités se sont saisies du problème en promulguant un nouveau moratoire en 2012 mais il reste inefficace et la faille juridique profite toujours aux exploitants. Autour de Fengtongzhai, ce sont environ 13 km² de forêts naturelles qui auraient été la victime des exploitants malgré le moratoire en vigueur. Depuis le rapport de l'ONG, les autorités chinoises ont réaffirmé lutter contre cette déforestation illégale et s'engagent à renforcer la loi pour éviter tout détournement de son sens premier.

 


Avec l'exploitation forestière, de larges espaces dans l'habitat du panda ont été perdus - © WWF

 

 

Le braconnage, une menace réelle dans les années 1980, est rare de nos jours

Le braconnage de pandas est rare de nos jours, mais même à un niveau faible il peut avoir des conséquences graves pour une espèce en voie de disparition. Les braconniers encourent une peine de prison de 10 ans et bien qu'il soit rare que des braconniers tuent intentionnellement un panda, les pandas peuvent se trouver blessés ou tués dans des pièges prévus pour d'autres animaux braconnés illégalement comme le cerf porte-musc ou l'ours noir.

Par contre, dans les années 1980 et même au début des années 1990, le braconnage était une menace sérieuse. 

Dr George Schaller, le premier occidental à avoir étudié les pandas sauvages aux côtés d'homologues chinois au début des années 1980 dans la réserve naturelle de Wolong avec l'appui du WWF, cite le braconnage comme une menace majeure dans ses deux ouvrages « The giant pandas of Wolong » et « The last panda ». De nombreux pandas sont retrouvés piégés, y compris dont certains suivis par l'équipe scientifique. Par exemple, le 24 janvier 1983, Schaller raconte que la femelle Han Han a été tuée par un piège posé par un braconnier, alors qu'elle devait sans doute avoir un jeune. Le 8 avril 1983, Schaller trouve un autre panda, une femelle, morte, prise dans un piège, elle aussi mère d'un jeune d'environ 7 mois.

Le 22 avril 1983, un procès exemplaire s'est tenu à Wolong pour juger le braconnier de Han Han. Le braconnier, un paysan, est condamné à deux ans de prison.

En 1986, un recensement à Wolong a montré la présence de seulement 72 pandas contre 145 lors du recensement de 1974. Et Schaller d'en conclure que le braconnage est le premier responsable de cette chute des effectifs.

Les peaux de pandas peuvent être achetées 3 000 dollars par des négociants qui les revendent 100 000 dollars. Vers 1985, une étude au Japon rapporte 157 peaux ou pandas empaillés. Les médias chinois relatent de nombreuses sentences contre les braconniers. Le 7 avril 1988, un article du NY Times indique que 203 personnes ont été arrêtées et 146 peaux de pandas retrouvées en Chine. Malgré une aggravation des peines (jusqu'à la peine de mort) et un renforcement des lois, le braconnage continue. En 1990, le WWF envoie un faux acheteur en Chine qui se voit proposer deux jeunes pandas vivants et 16 peaux. Entre 1985 et 1991, les cours de justice chinoises ont instruit 123 cas de braconnage de pandas et 278 suspects dont 3 ont été condamnés à mort et 16 emprisonnés à vie.

Plus de 70 pièges furent détruits sur le flanc d'une seule colline par les gardes de la réserve naturelle de Wolong au cours d'une patrouille de l'année 1992.

Lors d'une opération anti-braconnage menée au début de l'an 2000, les gardes trouvèrent un panda mort dans un piège installé par des braconniers.

Les médias chinois ne se montrent pas avares en informations concernant les sentences infligées aux braconniers. Durant les quatre premiers mois de 1999, la police confisqua six peaux de pandas géants et en 1998, un paysan chinois fut condamné à vingt ans d'emprisonnement pour avoir tué trois pandas et vendu les peaux.

 


La dépouille d'un grand panda tué le 4 décembre 2014 dans le village de Longtaicun dans la province du Yunnan.
Alors que l'on pensait le panda absent à l'état sauvage de cette province, ce cas de braconnage a incité
le département des forêts de la province du Yunnan à enquêter sur la présence éventuelle d'une petite population
de pandas sauvages dans le nord du Yunnan, frontalier avec le Sichuan.

 

Pour en savoir plus :

        > Les personnes impliquées dans le cas de braconnage dans la province du Yunnan ont été condamnées à des peines de prison (2 mai 2016)

        > Un cas de braconnage dans le Yunnan qui pose la question de la présence du panda dans cette province (20 mai 2015)

        > 1er mars 2012 : Arrestation récente en Chine d'un homme complice de braconnage d'un panda il y a 17 ans

        > 14 décembre 2011 : Arrestation au Japon d'un homme accusé de vouloir vendre un grand panda empaillé

        > 11 février 2010 : Un homme arrêté en Chine au mois de janvier dernier pour avoir vendu une peau de panda il y a 15 ans

        > 14 Juillet 2003 : Un tueur de panda condamné à 14 ans de prison

 

 

La floraison et la mort des bambous, une menace indirecte

Le bambou est une plante vivace qui fait partie de la famille des graminées comme le blé ou le maïs. Il peut pousser partout si bien que l'on peut le retrouver dans des régions du globe très différentes. Mais c'est en Asie du Sud-Est qu'ils sont les plus abondants.

Un massif de bambous met plusieurs dizaines d’années pour se développer. Ce développement nécessite de l’ombre apportée par des arbres âgés. Les bambous s’épaississent en lançant sous terre des tiges ou rhizomes qui émettent eux-mêmes des pousses. Mais, comme c’est le cas pour toutes les plantes à fleurs, la dissémination des bambous et la préservation de leur diversité génétique ne se fait que par l’intermédiaire de graines. Or ces graminées ont la caractéristique inhabituelle de ne fleurir que très rarement, une fois tous les 10 ans ou même tous les 100 ans suivant les espèces. Cette floraison est suivie de la mort immédiate de la plante. De jeunes arbres vont alors coloniser les espaces laissés ainsi vides. Plus tard, ces arbres fourniront l’ombre dont les bambous ont besoin pour pousser.

Dans des conditions d'habitat intact, non dégradé et non fragmenté, la floraison et la mort des bambous n'est pas une menace en soi pour les pandas. Ils peuvent se tourner vers d'autres espèces présentes sur leur territoire ou alors migrer vers des secteurs non affectés. Ces migrations « forcées » concouraient même à favoriser les échanges génétiques entre populations distinctes géographiquement.

Aujourd'hui, la réduction de l'habitat mais pire sa fragmentation rendent plus difficiles, voire impossibles, ces migrations pour trouver des sources alternatives de nourriture. Cela est particulièrement problématique dans les poches d'habitat où ne pousse qu'une seule espèce de bambous. Certains pandas peuvent alors mourir de faim.

Dans les années 80, deux lieux où vivent des pandas sauvages ont connu des épisodes de floraison en masse, suivi de la mort, des bambous :

   - 1974 à 1976 : mort de 3 espèces de bambous en même temps (dont Fargesia spathacea) dans les monts Minshan (nord Sichuan + Gansu + réserve de Wanglang) : cette floraison simultanée a entraîné la mort d’au moins 138 pandas (ce chiffre semble maintenant être admis par la plupart des spécialistes).

   - Au printemps 1983, alors que Schaller inspectait plusieurs habitats du panda, il remarque que dans le comté de Baoxing le bambou flèche commençait à fleurir ; même chose à Wolong lorsqu'il y retourne. Trois quarts des bambous flèches étaient morts mais les zones non touchées semblaient suffisantes pour les pandas pour plusieurs mois. Heureusement, les bambous parapluies qui poussaient aux altitudes plus faibles n'étaient pas touchés. Dans le comté de Baoxing, quelques pandas sont morts de faim et d'autres affaiblis ont été placés temporairement en captivité puis ont été relâchés, malheureusement sans collier radio-émetteur qui aurait pu permettre de connaître le devenir de ces pandas. En juin 1984, Schaller et Hu Jinchu reçoivent la permission d'effectuer une mission d'une semaine sur le terrain pour évaluer l'impact de la floraison des bambous dans les secteurs les plus touchés. Ils en concluent que la floraison de 1983 n'a pas été majeure dans le comté de Pingwu. Ken Johnson qui a exploré intensivement ces mêmes secteurs en 1986 est arrivé à la même conclusion à savoir que la régénération des bambous était excellente et qu'elle devrait fournir la base pour une extension des populations de pandas dans le futur. Malheureusement, de trop nombreux pandas ont été capturés en prévention d'une famine supposée, à tort.

 

 
Jeunes pandas « sauvés » dans la nature pour être conduits vers un centre
de reproduction en captivité. Impossible de savoir si ceux-là l'ont été abusivement, mais
ce qui est sûr c'est que de trop nombreux pandas ont été capturés dans les années 1980
sous le prétexte d'une famine ou d'un abandon par leur mère - © WWF

 

Fin 1984, les autorités chinoises reconnaissent avoir surestimée la famine. Les activités de l'homme ont un impact bien plus important sur l'habitat du panda et surtout les quelques pandas affamés sont une conséquence des menaces qui pèsent sur l'habitat, et non une conséquence du cycle naturel du bambou. 

 

Pour en savoir plus : Le panda géant, un ours mangeur de bambous

 

 

Des réserves naturelles insuffisantes et parfois inefficaces

D'après le quatrième recensement national des pandas géants et de leur habitat, la Chine compte 67 réserves naturelles dont l'un au moins des objectifs est la protection des populations sauvages de pandas géants. Ce nombre n'a fait qu'augmenter au fil des années. Il en existait seulement 40 lors du 3ème recensement. La province du Sichuan en compte 44, soit 12 de plus qu'il y a 10 ans ; la province du Gansu en compte 7, soit 4 de plus qu'il y a 10 ans ; et la province du Shaanxi en compte 16, soit 11 de plus qu'il y a 10 ans.

Ces réserves protègent 1 246 des 1 864 pandas sauvages, soit 66,85% de la population totale. Par conséquent, encore environ un tiers des pandas sauvages vivent hors du système de réserves naturelles. La totalité des 132 pandas sauvages vivant dans la province du Gansu sont protégés au sein de réserves naturelles. Dans le Shaanxi, 264 pandas sauvages vivent dans des réserves, soit 76,52% des 345 pandas sauvages vivant dans cette province. Dans le Sichuan, 850 pandas sauvages vivent dans des réserves, soit 61,28% des 1 387 pandas sauvages vivant dans cette province. Entre le 3ème et le 4ème recensement, 260 pandas supplémentaires vivent dans des réserves, un signe à la fois de l'expansion du système de réserves naturelles pour inclure davantage de pandas sauvages, mais aussi le signe que les populations vivant dans des réserves ont tendance à croître.

Ces 67 réserves naturelles protègent 53,76% de l'habitat du panda, soit 1 385 196 hectares ; contre 45,26% pour les 40 réserves existantes lors du 3ème recensement. Soit une hausse de 32,77% de la surface de l'habitat du panda inclus au sein d'une réserve. La quasi-totalité (97,98%) de l'habitat du panda dans la province du Gansu se trouve dans des réserves naturelles ; 56,14 % pour la province du Shaanxi et 49,22%  pour celle du Sichuan. Ainsi, près de la moitié de l'habitat du panda se trouve aujourd'hui non protégé par le système de réserves naturelles, ce qui le rend plus vulnérable et limite ainsi la progression de l'effectif de pandas dans cette partie.

Plus d'un tiers des effectifs de pandas sauvages et environ la moitié de leur habitat ne sont pas protégés par le système actuel de réserves naturelles. Il est primordiale de créer davantage de réserves naturelles pour y intégrer les pandas et les habitats manquants. En effet, pour que la population puisse continuer à croître, l'habitat est un des paramètres clés. Rappelons que les deux menaces persistantes pour les populations sauvages de pandas sont la perte et la fragmentation de leur habitat. Mieux protéger l'habitat actuel, c'est éviter la poursuite de sa dégradation, sa perte et sa fragmentation, notamment en ce qui concerne l'habitat non inclus dans les réserves ou encore les habitats qualifiés de qualité moyenne ou de faible qualité.

Mais ces réserves sont-elles suffisantes et efficaces ?

L'étude menée par Liu et al. dans la réserve naturelle nationale de Wolong, la plus connue des réserves chinoises qui abrite 143 pandas sauvages selon le troisième recensement national des pandas géants mené de 1999 à 2003, a démontré que depuis 1975, date d'extension significative du périmètre de la réserve, la taille de la population humaine dans la réserve avait augmenté de 66% et le nombre de familles de 115%. Durant la même période, la qualité et la quantité de l'habitat du panda ont dramatiquement diminué à cause de l'augmentation des activités humaines telle la collecte de bois de chauffage et de construction et l’augmentation des surfaces cultivées.

Une autre étude du même auteur principal, sur la base d'analyse de données de télédétection de pandas sauvages de 1965 à 1997, a démontré que l'habitat dans la réserve naturelle de Wolong avait continué à se fragmenter et à être moins approprié pour le panda géant, et ce même malgré l'établissement de la réserve en 1963 et son extension en 1975. Le taux de perte d'habitats de haute qualité après 1975 est plus élevé et la fragmentation des habitats de haute qualité est devenue plus sévère concluent les auteurs.

Malgré un nombre important de réserves naturelles dans l'habitat du panda, les programmes de gestion étaient quasi-inexistants dans le passé et l'intégrité écologique de ces secteurs « protégés » a continué à diminuer en raison notamment de l'exploitation forestière illégale, du braconnage et de la collecte de bois et de plantes médicinales.

 


Marché de plantes médicinales, Chengdu, province du Sichuan, Chine - © WWF
La récolte de plantes pour la médecine traditionnelle chinoise perturbe l'habitat du panda
et entraîne l'extinction de plantes locales dans les Monts Minshan. Dans ces monts, il y a plus de
5 000 espèces de plantes et 75% sont utilisées dans la médecine traditionnelle chinoise.

 

En effet, la plupart des réserves manquaient d'objectifs clairs et précis en ce qui concerne la conservation de la nature. Les standards de gestion dans les « bonnes » réserves étaient souvent statiques, et les infrastructures existantes souvent déficientes.

Un manque de connaissance sur la conservation de la nature, de même qu'un manque de moyens humains, matériels et financiers pour mettre en pratique à tous les niveaux les politiques adoptées, sont les causes profondes expliquant la gestion déficiente dans les réserves. Les tâches sont souvent attribuées sans qu'il soit tenu compte de l'intérêt ou de la motivation des agents concernés. La formation est souvent inexistante, et en général peu appropriée.

 


Coupes illégales dans la réserve de Wolong, Sichuan, Chine - © WWF

 

Mais depuis le début des années 2000, la construction progressive de programmes de gestion de ces réserves, avec l'appui du WWF-Chine, a intégré les communautés locales notamment en les faisant participer aux programmes de surveillance et de patrouille de l'habitat, en créant de nouveaux postes de gardes qu'elles peuvent pourvoir et pour lesquels elles peuvent bénéficier d'une formation, en les impliquant dans les inventaires des espèces, en leur attribuant des territoires en bordure de la réserve dont la gestion dans un mode durable leur est confiée, en leur faisant bénéficier des revenus issus de l'écotourisme.

Ces réserves naturelles sont aujourd'hui un outil crucial pour la protection du territoire du panda géant et des autres espèces qui vivent dans ce même écosystème. Certes, leur gestion et leur efficacité ne sont encore pas optimums, mais les choses évoluent positivement depuis quelques années et il convient d'encourager et de renforcer le rôle et le nombre de ces réserves.

 

Pour en savoir plus : Les réserves naturelles pour protéger l'habitat du panda

 

 

Le début des efforts de conservation, impulsés par le WWF et la pression occidentale

Les efforts de conservation sont impulsés par une organisation non gouvernementale occidentale qui va réussir à entrer en Chine, le WWF, également connu en France sous le nom de Fonds mondial pour la nature.

 

Le WWF, avec pour emblème le panda géant,
participe encore de nos jours activement en Chine à la sauvegarde de l'espèce

 

Du 19 au 29 septembre 1979, une délégation du WWF-International conduite par un des fondateurs de l’organisation, Sir Peter Scott, se rend en Chine. Le panda est alors déjà le logo de l’organisation depuis presque 18 ans. A l’occasion de cette rencontre, un protocole d’accord est signé entre la Chine et le WWF pour le développement d’un projet sur la conservation du panda incluant spécifiquement la construction d’un centre de recherches (le futur centre de Wolong).

Décembre 1980 est le point de départ de plusieurs mois de recherches sur le terrain menés par Schaller et ses collègues chinois Pan Wenshi et Hu Jinchu, recherches qui fourniront un socle de connaissances scientifiques sur l’espèce dans son milieu naturel, notamment sur sa stratégie alimentaire, les modalités de son activité et de ses déplacements, son comportement, la dynamique de ses populations, la communication et la reproduction.

Le WWF devient ainsi la première organisation de conservation internationale à mener un travail de terrain en Chine.

 


George Schaller avec Wang Menghu et le professeur Hu Jinchu
dans la réserve naturelle de Wolong, 
Sichuan, Chine, dans les années 1980 - © WWF

 

Fin des années 1980, les éléments convergent vers une prise de conscience internationale : colère des organisations internationales de conservation contre les prêts commerciaux de pandas aux zoos occidentaux, premières connaissances scientifiques sur l’espèce, état des lieux des populations sauvages et de leur habitat réactualisé avec le second recensement national qui démontre une baisse drastique du nombre des individus et la perte de la moitié de l’habitat en seulement 15 ans, la mise en lumière des menaces réelles du braconnage, l’émotion déclenchée par l’épisode de floraison des bambous.

En août 1989, après une décennie de coopération avec le ministère chinois des forêts, le WWF publie le Plan de gestion national pour la conservation du panda géant et de son habitat (National conservation management plan for the giant panda and its habitat). Le plan balaye le statut du panda géant et de son habitat et identifie ce qui est nécessaire pour sauver le panda de l’extinction. Préparé conjointement par le ministère des forêts et le WWF, ce plan de gestion discute des mesures de gestion et développe des propositions pour la protection et le maintien d'une population de pandas géants sauvages saine, pour étendre le système de réserves naturelles, pour restaurer les habitats endommagés et pour mieux gérer les habitats restants du panda, à la fois à l'intérieur et en dehors des réserves, dans le but de sauver l'espèce et son milieu de vie.

Ce plan propose la création de quatorze nouvelles réserves naturelles, identifie une quinzaine de corridors cruciaux à protéger ou à restaurer pour connecter les habitats, suggère la conversion des équipes de sauvetage en équipes de suivi de l’habitat, formule des recommandations sur l’élevage en captivité, insiste sur l’importance du développement de la recherche scientifique et met en garde sur le volet sensibilisation et éducation à la conservation notamment pour gagner le support et le respect des communautés locales. Le plan exhorte chaque réserve naturelle à encourager les populations locales à participer aux activités de conservation du panda, par exemple comme gardes dans les réserves.

Ce plan a été publié par le WWF avant sa ratification par le gouvernement chinois. Un plan amendé a finalement été approuvé en janvier 1992 par le Conseil d'Etat. En 1993, un budget de cinq millions de dollars américains est voté par ce même Conseil d’Etat chinois pour la mise en œuvre du plan. Ce plan marque une première étape décisive dans la stratégie de conservation du panda. Dans l’intervalle 1993-2003, au moins 37 nouvelles réserves naturelles ont été établies soit par le gouvernement central, soit par les gouvernements provinciaux ou même directement par les comtés concernés.

En 1998, les efforts de conservation connaissent un bond en avant avec l’instauration d’un moratoire sur la déforestation dans plusieurs provinces chinoises, dont celles du Sichuan, du Gansu et du Shaanxi où vivent les derniers pandas sauvages ; moratoire consécutif à de graves inondations la même année amplifiées par l’érosion des sols après des années de déforestation effrénée (voir chapitre ci-dessus : « Un moratoire sur la déforestation en vigueur depuis 1998 »). 

 

 

Pandas et populations humaines : des solutions gagnant-gagnant

Au début des années 1980, le Programme alimentaire mondial et le gouvernement chinois ont construit un complexe d’appartements à l’intérieur de la réserve naturelle de Wolong, dans un secteur défavorable au panda, mais contrairement à l’effet recherché, aucun habitant local de l’intérieur de la réserve n’a souhaité occuper ces appartements éloignés des terres agricoles. Les tentatives de délocalisation à Wolong ont toutes échoué ou ont eu un succès très limité. La clef de la conservation du panda n’est pas dans l’opposition avec l’homme et avec les populations locales pour la plupart très pauvres qui vivent en bordure ou à l’intérieur de l’habitat du panda.

Ces échecs dans la réserve naturelle placée sous les projecteurs des scientifiques et des ONG, le WWF en tête avec le financement dans cette réserve des premières études in situ au début années 1980, mais aussi réserve vitrine pour la Chine, vont conduire à mettre en œuvre des politiques de conservation dans un cadre nouveau qui devront prendre en compte ces populations qui vivent à l'intérieur ou à proximité de l'habitat du panda.

Des programmes in situ de conservation vont être initiés, avec un volet de soutien au développement durable des communautés, avec pour postulat que c'est seulement en donnant satisfaction efficacement aux besoins des populations locales et en encourageant des pratiques de développement durable que la survie à long terme du panda peut être espérée.

Ainsi, la branche chinoise du WWF va lancer conjointement avec les gouvernements des provinces du Sichuan, du Gansu et du Shaanxi des projets de développement des communautés dans plusieurs villages des monts Minshan et Qinling.

Ces projets visent la fourniture de moyens aux populations locales pour qu'elles s'engagent dans des modes de vie alternatifs durables tout en augmentant leurs revenus et en réduisant l'impact sur l'habitat du panda des activités portant atteintes à l'environnement tels le braconnage, l'exploitation forestière, la collecte de plantes médicinales, la coupe de bois pour le chauffage et la cuisine, ou encore des modes d'agriculture inadaptés. Ces projets innovants de conservation sont accompagnés de mesures d'éducation et de formation des communautés et des fonctionnaires des gouvernements locaux sur les questions environnementales et les pratiques en matière de conservation. 

 


De gauche à droite : une femme de la communauté Baima préparant le repas dans une cuisine traditionnelle, Sichuan, Chine ;
Un garçon Baima avec un nid et des oisillons, Pingwu, province du Sichuan ;
Un apiculteur qui utilise un nouveau système de ruche plus écologique et produisant plus de miel.
© WWF

 

 

La prise en compte des communautés locales : l'exemple à Pingwu

Le premier projet intégré de conservation et de développement est lancé à l'échelle locale du comté de Pingwu, dans la province du Sichuan, en 1997. Ce comté, situé dans les monts Minshan, abrite selon le troisième recensement national 230 pandas sauvages, soit 32,49% des pandas des monts Minshan, et 14,41% de la population sauvage totale, et 277 071 hectares dans ce comté sont considérés comme habitat du panda, ce qui représente 28,85% de l'habitat du panda dans les monts Minshan et 12,02% de l'habitat total. C'est le comté chinois qui abrite le plus important effectif de pandas et la plus grande superficie d'habitat pour l'animal. Trois réserves naturelles créées dans ce comté, dont celle de Wanglang, ne protègent en réalité qu'un tiers de l'habitat du panda et moins de la moitié des effectifs. Ces données, confortées par un diagnostic de terrain, ont montré que les menaces affectant les pandas sauvages du comté de Pingwu trouvaient leur origine en dehors du réseau d'aires protégées. Juste avant le moratoire sur l'exploitation forestière de 1998, 60% des revenus du comté étaient générés par cette exploitation, qui détruisait par ailleurs l'habitat du panda à un rythme accéléré.

Afin d'apporter une solution à ce conflit entre les intérêts des pandas et les besoins des habitants, le WWF et le gouvernement chinois lancent en 1997 un programme de conservation basé sur les communautés locales, intitulé « Projet intégré de conservation et de développement à Pingwu » (Pingwu integrated conservation and development project). Pour la Chine, il s'agit d'une innovation, une manière originale d'aborder la conservation de la diversité biologique. Le projet vise à harmoniser les besoins de la conservation et ceux du développement, et favorise la participation des communautés locales aux décisions qui doivent être prises. En 1998, suite à des inondations catastrophiques au Sichuan, les autorités instaurent un moratoire illimité sur toute opération d'exploitation forestière. Ce moratoire fait ressurgir le besoin de trouver des sources de revenus alternatives pour limiter les pertes économiques et mitiger les conflits sociaux potentiels.

Ainsi, dans le cadre de ce projet intégré de conservation et de développement, plusieurs familles sont équipées de poêles à économie de bois ou de réacteurs de type « biogaz ». Pour se chauffer et faire la cuisine, les populations locales récoltent le bois dans les forêts et ces pratiques ont un impact significatif sur les forêts de l'habitat du panda, sachant qu'un ménage moyen vivant à une altitude de 2 000 mètres dans la réserve de Wolong utilise 11 m3 de bois par an pour se chauffer. Très innovants, les réacteurs de type « biogaz » permettent de faire fermenter les déchets organiques pour produire de l'énergie et les populations locales qui élèvent des porcs se servent des excréments ramassés à l'étable pour alimenter ces réacteurs. Le système est inodore et produit assez d'énergie pour faire cuire trois repas par jour et assurer le chauffage de l'habitation durant dix mois de l'année.

 

 
Plusieurs familles ont été équipées de poêles à économie de bois. Les populations
locales peuvent recycler les déjections porcines pour en retirer du méthane,
fournissant ainsi suffisamment d'énergie pour la cuisson et le chauffage - © WWF

 

Du lancement du projet jusqu'en 2000, plus de 300 personnels des réserves naturelles abritant le panda mais aussi des fonctionnaires des gouvernements locaux ont été formés sur la gestion des ressources naturelles, la surveillance de la faune, les patrouilles anti-braconnage et sur des approches innovantes de conservation.

Après le moratoire forestier de 1998, beaucoup de locaux se sont tournés vers la récolte de plantes médicinales, utilisées dans la médecine traditionnelle chinoise, mais aussi vers la chasse en guise de moyens de survie alternatifs. Le projet intégré a permis de développer des cultures alternatives, sources de revenus, comme des plantations de poivre du Sichuan ou l'apiculture.

 


La culture du poivrier du Sichuan a été développée dans les Monts Minshan comme mode d’agriculture alternatif.
La production de poivre du Sichuan est écoulée grâce au partenariat qu’a su développer le WWF avec les magasins
Carrefour très implantés en Chine. Cela assure aux populations locales un mode de vie durable et leur évite de
se tourner vers le braconnage ou l'exploitation forestière pour assurer leur survie - © WWF

 


Une nouvelle méthode d'apiculture apporte plus de miel et limite l'impact sur les forêts de l'habitat du panda :
1) Xia Baoyi, apiculteur traditionnel dans la communauté de Baima, réserve naturelle de Wanglang,
province du Sichuan, Chine.
2) La nouvelle technique de multiplication des abeilles apporte un rendement de miel deux fois plus
élevé qu'avec la méthode traditionnelle. Cela préserve également les forêts sachant que l'ancienne
méthode nécessite une nouvelle coupe chaque année.
© WWF

 

Avec ce projet, la réserve naturelle de Wanglang est devenue une réserve naturelle exemplaire en termes d'écotourisme, de suivis et de patrouilles écologiques, d'anti-braconnage et de gestion participative. D'ailleurs, la réserve naturelle de Wanglang a été classée réserve naturelle de statut national en juillet 2002. Ce passage d'un statut provincial vers un statut national se traduit par une augmentation des fonds gouvernementaux pour la conservation dans la réserve.

Un autre exemple est la réserve de Si'er, toujours dans le comté de Pingwu, initialement créée en 1993 pour la protection du panda et qui a été agrandie en juillet 2001 par le gouvernement du comté de Pingwu. Cette extension, qui a fait passer la surface de la réserve de 29 790 hectares à 63 615 hectares, s'est accompagnée d'un changement de nom de la réserve, renommée réserve naturelle de Xuebaoding.

Le succès du projet intégré de conservation et de développement à Pingwu a alors incité le gouvernement provincial et le WWF-Chine à étendre leur démarche à l'ensemble des Monts Minshan. Dans la continuité du projet de Pingwu, le WWF a entrepris en juin 2006 une nouvelle initiative intitulée « projet de conservation du panda dans le paysage des Monts Minshan » (Minshan landscape conservation project).

 

Pour en savoir plus : Principe du Biogaz (PDF)

 

 

Un autre exemple qui allie la conservation et le développement économique : le projet pour les pandas géants de Qinling

Autre exemple, autre région, mais une démarche similaire. En mars 2002, le gouvernement de la province du Shaanxi, où vivent 345 pandas selon le quatrième recensement officiel, initie toujours en partenariat avec le WWF un projet dans les monts Qinling visant à allier conservation du panda et développement des communautés. L'un des trois volets du « projet pour les pandas géants de Qinling » (Qinling giant pandas focal project) est le soutien au développement durable des communautés des monts Qinling, en plus d'un volet de conservation au sens strict et d'un volet ouvrant la porte à l'écotourisme dans un secteur déterminé.

Dès le lancement de ce nouveau programme, la réserve naturelle nationale de Changqing, habitée par 52 pandas sauvages, sert de site pilote. Le WWF soutient la mise en place d'activités d'élevage de saumons comme moyen de subsistance alternatif, l'installation de poêles économiques en bois, l'aide aux infirmeries de village, le développement d'une agriculture alternative et une offre de microcrédits pour le développement des communautés. Ces pratiques accroissent la sensibilisation du public à la conservation et contribuent à la restructuration des industries axées jusqu'ici sur l'exploitation forestière et qui ont cessé leurs activités en 1998 après le moratoire chinois sur la déforestation. Ces activités permettent également de limiter l'exploitation forestière illégale et le braconnage.

Durant la première phase du projet, 92 foyers ont été aidés pour développer une activité d'apiculture, 120 foyers ont bénéficié de poêles à économie d'énergie et 42 foyers ont été accompagnés pour développer une activité d'accueil touristique à domicile.

La seconde phase du projet, de 2004 à 2007, met l'accent sur un tourisme plus durable dans le sud de Taibaishan, habitat clef du panda. Pour éviter les problèmes écologiques potentiels liés au développement anarchique du tourisme, la municipalité de Xi'an, le gouvernement du comté de Zhouzhi et le WWF-Chine travaillent ensemble pour élaborer un cadre pour la conservation intégrée de la biodiversité et le tourisme durable (écotourisme) dans cette région. Ainsi, un centre éducatif et des chalets sont ouverts dans la réserve naturelle de Laoxiancheng pour l'éducation et la sensibilisation des touristes et générer des revenus pour le travail de conservation in situ. Des emplois sont créés, réservés aux communautés locales. Cinq cent étudiants bénéficient d'activités d'éducation à la conservation, dix projets de microcrédits sont initiés dans les communautés pour augmenter leurs revenus tout en réduisant leur dépendance vis à vis des ressources naturelles et 519 poêles à économie d'énergie sont financés.

Côté conservation, les principales réalisations sont la création fin 2002 par le gouvernement de la province du Shaanxi de 5 nouvelles réserves et 5 corridors pour la protection du panda. Les 5 nouvelles réserves naturelles sont la réserve de Motianling (11 700 ha), la réserve de Qingmuchuan (10 200 ha), la réserve de Guanyinshan (13 534 ha), la réserve de Sangyuan (13 800 ha) et la réserve de Tianhuashan (25 485 ha). Les 5 corridors sont : Caiziping (qui connecte les réserves de Huangguanshan et Pingheliang), Houzhenzhi (qui connecte les réserves de Taibaishan et Zhouzhi), Dashuping (qui connecte les réserves de Taibaishan et Niuweihe), Erlangba et Jiuchihe. Par ailleurs, une équipe de 30 personnes a été mise en place en septembre 2002 grâce au soutien du WWF pour patrouiller dans la forêt de Houzhenzhi. Cette équipe assure la protection de la partie Nord des monts Qinling.

  


Équipe de patrouilleurs dans la forêt de Houzhenzhi - © WWF

 

 

Une approche où besoins des communautés locales et conservation du panda géant sont intimement liés

Ces exemples de programmes intégrés ont été fusionnés en 2007 dans un nouveau projet intitulé le « cœur vert de Chine » (Green heart of China), à portées thématique et géographique plus larges puisqu'il vise un territoire et des paysages nombreux sur le cours supérieur du fleuve Yangtze. Ce nouveau programme ambitieux à l'échelle d'une écorégion, au-delà d'objectifs de protection de l'habitat du panda dans son ensemble, est étendu à d'autres écosystèmes et d'autres espèces, mais toujours avec pour philosophie la coopération et le développement des communautés locales. Le nouveau projet ambitionne pour preuve dans son sous-titre une « coexistence harmonieuse entre les pandas géants, les communautés et la nature. »

Soutien et accompagnement des populations locales pour leur développement, reconversion de modes de vie vers des solutions d'agriculture plus durables, équipement de milliers de foyers avec des systèmes de chauffage économes en énergie, partenariats avec le secteur privé pour la commercialisation des produits issus de l’agriculture durable (poivre noir du Sichuan, plantes médicinales, miel,...), encadrement de l'écotourisme avec des retombées économiques pour les locaux, gestion participative des réserves naturelles, programmes d'éducation à la conservation entrepris dans les villages, établissement de plans de gestion pour les réserves naturelles intégrant les habitants, installation de microcentrales hydroélectriques, sont autant de projets diversifiés menés aux échelles locales, dans plusieurs villages, pour répondre à l'exigence de prise en compte des communautés locales de ce nouveau programme. Les actions initiées dans les monts Minshan et dans les monts Qinling ont trouvé leur prolongement au travers de ce programme.

Ainsi, par exemple, la réserve naturelle provinciale de Mamize, dans les monts Liangshan, l'habitat du panda le plus au sud, a bénéficié à son tour d'un accompagnement des communautés locales notamment par l'installation en 2012 de 1 100 poêles plus efficients que les poêles traditionnels au rendement très faible, diminuant significativement la quantité de bois nécessaire pour un chauffage équivalent. Le WWF estime que chaque poêle permet de réduire de 10 m3 par an la consommation de bois de chauffage et de 7 m3 par an l’émission de gaz à effet de serre.

Autre exemple, en 2011, 120 micro-stations hydroélectriques ont été financées et implantées par le WWF-Chine dans les villages aux alentours de la réserve naturelle provinciale de Shenguozhuang, toujours dans les monts Liangshan. Chacune de ces stations permet d'économiser 17,5 m3 de bois par an, soit 0,213 hectare de forêt. Ainsi, les 120 stations évitent la coupe de 25,56 hectares de forêts pour le chauffage ou les autres activités nécessitant de l'énergie dorénavant fournie par les microcentrales.

En mai 2012, le WWF a apporté son expertise et son soutien aux 52 familles du village de Donghe, l’unique village à l’intérieur de la réserve naturelle de Guanyinshan, pour la gestion durable et efficace de 1 466 hectares de forêt collective ; et ainsi diminuer la pression des villageois sur les forêts de l’habitat du panda.

Un autre élément clef de la prise en compte des populations locales est leur participation dans la gestion des réserves naturelles, afin qu'elles ne perçoivent pas cette mise sous protection administrative comme quelque chose de pénalisant pour leur subsistance (voir chapitre ci-dessus « Des réserves naturelles insuffisantes et parfois inefficaces »).

 

 

Le programme « Grain-to-green », une incitation à la restauration des écosystèmes

Un autre moyen d'obtenir positivement la participation des populations locales à des objectifs de conservation est le paiement pour services rendus à l'écosystème. On parle de paiements pour des services rendus à l’écosystème lorsque des participants sont payés pour modifier leur approche de gestion de leurs terres pour qu’elle soit plus bénéfique à l’environnement.

La Chine a mis en place à la fin des années 1990 une nouvelle politique forestière intégrant deux programmes de grande envergure : le programme de protection des forêts naturelles et le programme de conversion des terres cultivées en forêts ou en prairies ; ce second programme étant nommé « programme grain-to-green » ou « grain-for-green », littéralement « du grain au vert ». Par leur gravité sans précédent, deux catastrophes écologiques majeures, l’assèchement du fleuve Jaune en 1997 et les inondations du Yangzi en 1998, ont précipité la mise en œuvre de ces programmes.

Le programme grain-to-green est un programme chinois qui vise à convertir les terres en pente cultivées en forêts ou en pâturages pour prévenir l'érosion des sols, qui a été une cause majeure des graves inondations de 1998. Au travers de ce programme, les agriculteurs reçoivent une subvention par superficie de terres cultivées retirées et inscrites au programme pour une période de deux à huit ans.

Lancé en 1999 dans trois provinces pilotes, les trois provinces où vivent les derniers pandas à l’état sauvage, celles du Gansu, du Shaanxi et du Sichuan, le programme de conversion des terres cultivées en forêts ou en prairies a été progressivement étendu à 25 provinces. Comme le programme de protection des forêts naturelles, il concerne essentiellement les régions situées le long du Yangzi et du fleuve Jaune. L’objectif de ce programme de très grande envergure est de réduire l’érosion des sols en convertissant plus de 14 millions d’hectares de terres cultivées, dont 4,4 millions d’hectares de terres ayant une pente de plus de 25 degrés. Dans le Sichuan, 770 000 hectares de terres sont concernés. Fin 2008, environ 8,2 millions d’hectares de terres cultivées avaient été convertis.

De par son ampleur, il s’agit du plus grand programme de conversion au monde.

Pour maintenir le revenu des paysans, l’Etat chinois verse, dans le cadre de ce programme de conversion, des subventions à la fois en nature (céréales et semis) et sous forme monétaire, pour une durée de huit ans si la terre est convertie en forêt écologique, de cinq ans si la terre est convertie en forêt à usage commercial et de deux ans si elle est convertie en pâturage. Selon l'administration chinoise des forêts, plus de 75% des terres converties le sont en forêt écologique.

Les compensations octroyées varient selon les régions et sont plus élevées dans les provinces du haut Yangzi que dans les provinces du haut fleuve Jaune. Les subventions en nature varient de 1 500 à 2 250 kg de céréales par hectare et par an. Les paysans reçoivent par ailleurs une compensation monétaire de 300 yuans par hectare et par an ainsi que des semis gratuits au moment de la conversion. Fin 2008, le montant total des subventions versées dans le cadre de cette politique s’élevait à environ 15 milliards de yuans. Le nombre de ménages ruraux concernés par ces mesures était de 26,84 millions selon l’administration chinoise des forêts.

Ce programme, qui a pris fin en 2008, a permis des gains écologiques substantiels : augmentation de la couverture forestière, réduction des eaux de ruissellement de surface, réduction de l'érosion du sol, diminution des sédiments dans les rivières, amélioration de la fertilité des sols, réduction de la désertification. D'autres bénéfices sont à attendre comme la restauration d'habitats, avec entre autres l'habitat du panda géant.

A l'issue de la période de conversion (et du versement des aides), les fermiers peuvent laisser leurs terres inscrites au programme pour une nouvelle durée allant de deux à huit ans. Les aides sont cependant moins importantes dans le cas d'un renouvèlement.

Dans la réserve naturelle de Wolong, la conversion des terres cultivées a débuté en 2001. Les fermiers étaient encouragés à inscrire dans ce programme leurs terres avec une pente supérieure à 25 degrés mais plusieurs parcelles avec une pente inférieure ont également été inscrites. Toutes ces terres s'inscrivent dans une conversion en forêt écologique et les agriculteurs perçoivent des subventions pour une durée de huit ans. Entre 2000 et 2004, les subventions annuelles étaient de 2 250 kg de céréales et 300 yuans par hectare. A partir de 2005, les subventions en nature ont cessé et la subvention monétaire a été portée à 3 150 yuans par hectares. En 2005, 367,3 hectares de terres cultivées étaient inscrits dans cette réserve au programme grain-to-green. Un des premiers effets observés pour le panda est une diminution de la pression humaine sur l'habitat, en effet ce programme incite les fermiers à se convertir vers des activités urbaines voire même à migrer. Sur le long terme, on peut même espérer que l'habitat dégradé du panda s'améliore.

Ce programme de conversion a reçu un accueil favorable auprès des populations locales pour diverses raisons interdépendantes. La première tient au montant comparativement élevé des subventions perçues par les ménages. Le rendement annuel des terres converties était dans de très nombreux cas sensiblement inférieur au montant des subventions attribuées. Shen Maoying, de l’Académie des sciences sociales du Sichuan, estime que dans certains cantons du nord du Sichuan, le gain dégagé est de 30 % par rapport aux revenus de l’activité agricole. Enfin, en libérant une partie de la main-d’œuvre agricole, ce programme a permis une diversification des activités des ménages vers des activités non agricoles généralement plus lucratives, et par conséquent une augmentation des revenus.

 

 

Le trésor national chinois au cœur des attentions des populations locales

En l’espace de quelques années, des sauvetages organisés pour faire face aux épisodes de mort du bambou aux programmes intégrés de conservation et de développement, la Chine, aidée du WWF local, a réussi à faire accepter aux populations qui vivent au plus près de l’habitat du panda géant son espèce phare et vitrine comme un trésor national qu’il fallait protéger. Dorénavant, accentué par les politiques répressives en la matière, les locaux ne perçoivent plus le panda comme un animal à abattre et ont pris la mesure du rôle qu’ils peuvent jouer pour aider à sa protection.

Fréquemment, les réserves naturelles, relayées par la presse chinoise, se félicitent du comportement des villageois lorsque le grand panda se montre. Quasi systématiquement, lorsqu’un panda sauvage visite un village, il bénéficie de l’attention des populations locales qui alertent au plus vite les autorités forestières. Par exemple, le 1er mars 2014, Li Yongxing, un habitant du village de Liziba, dans le comté de Wenxian (province du Gansu), un village implanté à l’intérieur de la réserve naturelle nationale de Baishuijiang, la plus vaste des réserves naturelles pour la protection du panda géant, s’est trouvé nez à nez avec un panda sauvage. Les villageois, rassemblés en masse sur la scène, ont immédiatement informé le personnel de la station de protection de Bikou qui s’est rendu sur place pour s’assurer du retour du panda égaré dans le milieu naturel et qui a prélevé des crottes pour une analyse plus fine de l’âge et du poids de l’animal.

Le panda peut parfois se rendre dans les villages à la recherche de nourriture. Le 9 février 2013, un panda sauvage a mangé un agneau dans une bergerie appartenant à Gou Bihua, un fermier du village de Jianlian dans le comté de Baoxing (monts Qionglai, province du Sichuan), à proximité de la réserve naturelle nationale de Fengtongzhai. Lorsque le fermier s'est approché de sa bergerie, il a entendu ses animaux crier et a eu la surprise de voir qu'un panda s'était attaqué à un agneau. A la vue du fermier et d'autres villageois alertés, le panda s'est sauvé. Les témoignages des villageois ont révélé qu'il n'était pas rare que des pandas sauvages fréquentent le village de Jianlian, mais c'est la première fois qu'un d'entre eux s'attaque à un animal domestique.

Yang Kaixiang, une habitante du village de Yanjingping, également adjacent à la réserve naturelle nationale de Fengtongzhai, a aperçu à plusieurs reprises ces dix dernières années des pandas sauvages à proximité de son habitation. Toujours dans le comté de Baoxing, le 4 février 2010, c’est dans l’annexe d’une porcherie qu’un panda a été trouvé par Tao Defen, une habitante du village de Dongsheng. L’animal s’est nourri d’os de porc puis est retourné dans les montagnes aux alentours.

Ces observations sont à la fois le témoignage de l'emprise de l'homme et des villages dans le territoire du panda mais également une illustration de l'acceptation du trésor national chinois par les locaux, fruit du travail du gouvernement et du WWF-Chine dans des programmes intégrés de conservation et de développement. La prise en compte des populations locales qui vivent dans ou à proximité de l'habitat du panda est primordiale afin que les politiques de conservation, pour qu’elles soient comprises et acceptées, ne s'inscrivent pas en opposition avec le développement et la présence des locaux.

 

 

Reconnecter des habitats isolés

Comme détaillé ci-dessus, la fragmentation de l'habitat est la menace la plus prégnante pour la survie des pandas à long terme. Pour rappel, selon les données du quatrième recensement national des pandas géants et de leur habitat (réalisé entre 2011 et 2014), les 1 864 pandas sauvages sont fragmentés en 33 sous-populations quasi-isolées les unes des autres. 22 de ces 33 sous-populations comportent moins de 30 individus chacune, la plupart d'entre-elles se situent dans la partie nord-ouest des monts Minshan.

Un défi majeur pour le futur est d'essayer de reconnecter certains habitats entre eux.

Les routes, voies ferrées, lacs de barrage, industries, carrières, mines, et bien sûr l'expansion urbaine sont autant d'explications au morcellement de l'habitat du panda géant. Le gouvernement chinois travaille avec l'appui du WWF pour relier lorsque c'est possible ces habitats isolés en créant ou en restaurant un environnement favorable qui pourra alors être emprunté par les pandas pour passer d'un habitat à l'autre. Il s'agit en quelque sorte de créer des couloirs verts, plantés de bambous, dénommés aussi « corridors ».

Un corridor n'est pas forcément un couloir de taille restreinte mais peut aussi qualifier un habitat clef qui permet la connexion entre différents autres habitats. Par exemple, la réserve naturelle de Qingmuchuan (comté de Ningqiang, province du Shaanxi) est le seul corridor pour les pandas géants entre les monts Qinling (province du Shaanxi) et les monts Minshan (province du Sichuan).

Citons l'exemple de la route nationale 108 dans le comté de Foping. Deux des six sous-populations des monts Qinling, la sous-population dite de Tianhuashan et celle dite de Xinglongling, sont séparées par une route nationale majeure (Route nationale 108 ou Zoucheng highway qui relie au total Pékin à Kunming en passant par Xi'an ou encore Chengdu), construite dans les années 1970. La portion de cette route qui traverse le comté de Foping était très impactante pour l'habitat du panda et le fragmentait sévèrement. En 1999, un tunnel a été construit sur une portion de 13 kilomètres laissant ainsi « à l'abandon » la portion de route désertée par les automobiles et donc offrant par la même occasion une possibilité de restaurer une connexion entre des habitats fragmentés. En 2000, le secteur le long de la route abandonnée a été listé par la province du Shaanxi comme un corridor clef pour les pandas sauvages vivant dans le comté de Foping. Ce secteur a été placé sous protection nationale en 2002 via la création de la réserve naturelle nationale de Guanyinshan. Dès 2005, cette réserve a travaillé en coopération avec le WWF Chine pour restaurer les habitats du panda dans ce secteur, notamment par la plantation d'une forêt de bambous de 87 hectares au-dessus du tunnel ou par enlèvement des glissières métalliques et autres clôtures. Par ailleurs, un travail a été mené auprès des communautés locales pour les associer à ce projet de protection de l'habitat du panda. Cette réserve naturelle de Guanyinshan couvre une superficie de 13 534 hectares et est connectée à l'ouest avec la réserve naturelle de Foping, au nord avec celle de Zhouzhi et à l'Est avec celles de Niangniangshan et Tianhuashan. En 2015, le WWF a annoncé que l'habitat dans ce corridor qu'est la réserve de Guanyinshan s'était bien amélioré et les caméras infrarouge installées dans cet habitat restauré ont montré que des pandas se trouvaient à moins de 700 mètres de l'ancienne route.

 


Carte montrant la portion de route (en bleue) remplacée par un tunnel (en jaune) dans le comté de Foping,
habité par le panda. Alors que les activités des pandas des sous-populations de Tianhuashan et de Xinglongling
étaient séparées de 8,7 km en 2002 (vert clair), en 2012 elles n'étaient séparées que de 4 km et en 2015 de 1,5 km
seulement (points verts / rouge). Les deux populations sont presque rejointes - © WWF

 


Lorsque la route nationale 108 a été retracée en tunnel, le WWF et la province du Shaanxi ont saisi l'occasion
de planter 87 hectares de bambous sur les 13 km de route abandonné et ce pour restaurer cet habitat
qui servira plus tard d'habitat aux pandas - © WWF

 


Cheng Hongfei, le directeur adjoint de la réserve naturelle de Guanyinshan, devant l'ancienne
route 
qui se végétalise de plus en plus avec des plants de bambous notamment - © WWF

 

Le tunnel en remplacement de 13 km de route dans l'habitat du panda - © WWF

 

Autre exemple. Selon les données du 3ème recensement (1999-2003), 708 pandas habitent les monts Minshan (soit 44,36% du nombre total de pandas sauvages), mais ils sont fragmentés selon le 4ème recensement (2011-2014) en 12 sous-populations rattachées à deux grands groupes de populations, le groupe de population A sur les deux-tiers nord (comtés de Diebu, Zhouqu, Wenxian, Zoigê, Jiuzhaigou, Songan, Pingwu, Qingchuan, Maoxian et Beichuan) et le groupe de population B sur le tiers sud (comtés de Anxian, Mianzhu, Shifang, Pengzhou, Dujiangyan). Le groupe B ne comptait que 31 pandas selon le 3ème recensement et est donc fortement menacé notamment par une perte à terme de diversité génétique s'ils restent isolés. Le secteur qui sépare ces deux grands groupes est connu sous le nom de Tudiling (土地岭), qui culmine à 2 200 mètres d'altitude, et qui correspond aussi la ligne de partage des eaux des rivières Peijiang et Minjiang. Depuis les années 1950, la déforestation, les activités humaines et la construction d'une route entre Beichuan et Maoxing ont isolé le secteur de Tudiling du reste des monts Minshan. Le WWF a décidé de travailler notamment avec le bureau des forêts du comté de Maoxian et le département des forêts de la province du Sichuan pour essayer de restaurer des habitats qui permettraient la reconnexion de la grande population B avec celle au nord (A). En 2005, le WWF a officiellement lancé le projet de restauration du corridor de Tudiling et a identifié un secteur de 302 km² sur lequel pourrait se porter les efforts de restauration. En 2009, des travaux de construction d'un tunnel ont commencé pour remplacer une portion de 11 km de la route provinciale 302, ce qui permettra de libérer 8 000 ha pour un projet de restauration d'habitat.

 


Début des travaux de construction du tunnel de Tudiling en 2009 - © WWF

 

Dernier exemple. Dès 2009, le WWF a aidé le comté de Pingwu a établir un plan pour restaurer la végétation dans l'aire de Huangtuliang. Le corridor de Huangtuliang se situe à la frontière des deux provinces du Gansu et du Sichuan et relie trois réserves naturelles habitées par le grand panda : les réserves naturelles de Wanglang et de Wujiao dans la province du Sichuan et celle de Baishuijiang dans la province du Gansu. C'est un corridor important pour les pandas qui habitent les comtés de Pingwu et de Jiuzhaigou dans le Sichuan et celui de Wenxian dans le Gansu. Or, la route provinciale 205 qui relie Pingwu à Jiuzhaigou fragmente ce secteur et sépare ainsi les pandas de la réserve naturelle de Baishuijiang de ceux du comté de Pingwu. Un tunnel devrait remplacer à terme cette route.

 

PRINCIPE D'UN CORRIDOR :

Zoom sur l'habitat du panda

Nouveau zoom sur deux poches isolées de l'habitat du panda

Établissement d'un couloir vert (corridor) entre deux habitats fragmentés.
Ainsi, les deux populations de pandas isolées jusqu'alors peuvent maintenant se rencontrer.

 

Pour en savoir plus :

        > 26 octobre 2011 : Un grand panda sauvage photographié dans le corridor de Nibashan dans les Monts Daxiangling

        > 31 août 2011 : Un grand panda photographié mi-août dans le corridor de Huangtuliang

        > 20 avril 2011 : Cinq nouveaux corridors vont être créés dans les Monts Qinling

        > 18 janvier 2010 : Le WWF Chine va investir 4 millions d'euros pour la protection de l'habitat du panda géant en Chine

        > 12 mai 2009 : Un an après le séisme, un premier bilan pour les pandas sauvages et leur habitat 

 

 

Le changement climatique, une menace indiscutable mais délicate à anticiper

Le changement climatique connu aussi sous le terme de réchauffement climatique va conduire à des évolutions des écosystèmes, des habitats et donc de la distribution floristique et faunistique. Plusieurs études ont été publiées ces dernières années pour tenter d'évaluer à l'aide de modèles les conséquences de différents scénarios de réchauffement climatique sur l'habitat du panda géant.

Les modèles d’impact du changement climatique ont des prévisions similaires (Conservation Biology 29) : une perte d'habitat (jusqu’à 60 % dans certains modèles), une baisse des ressources alimentaires, une augmentation de la fragmentation et un déplacement de l’habitat vers le nord et plus haut en altitude.

Concernant les monts Qinling, les projections de l'étude menée par Tuanmu et al. (Nature Climate Change 3) indiquent une réduction substantielle de l’aire de distribution des 3 espèces de bambous dominantes (Fargesia qinlingensis, Fargesia dracocephala et Bashania fargesii) dans les monts Qinling et ce durant le 21ème siècle. Ces 3 espèces représentant presque la totalité du régime alimentaire des pandas dans cette région, les changements projetés dans la distribution de ces bambous suggèrent un manque de nourriture à venir (une famine) pour cette population de pandas ; sauf si des ressources alimentaires alternatives deviennent disponibles. Les auteurs précisent que la 4ème espèce de bambous (Fargesia nitida) présente dans l’aire d’étude et habituellement consommée par les pandas est actuellement distribuée sur de faibles densités dans de petits secteurs. D’autres études doivent être menées pour voir si cette espèce peut supplanter les trois autres comme ressource alternative dans les hypothèses de changement climatique.

Melissa Songer, Melanie Delion, Alex Biggs, de la Smithsonian Institution à Washington et Qiongyu Huang de l'université du Maryland, ont co-signé début 2012 une étude sur les impacts du changement climatique sur l'habitat du panda géant d'ici 2080. Ces quatre chercheurs ont intégré les informations sur l'habitat du grand panda avec deux modèles climatiques afin de prédire la distribution géographique et la fragmentation futures de l'habitat du panda géant. Les résultats, publiés dans la revue scientifique International Journal of Ecology, vont dans le sens de la prédiction générale du changement climatique à savoir un changement des habitats vers des altitudes et des latitudes plus élevées. Les deux modèles prédictifs de changement climatique testés montrent que l'habitat actuel du panda pourrait être réduit de presque 60% sur les prochains 70 ans (d'ici 2080), ce qui correspondrait à une perte de plus de 16 000 km² d'habitat adapté.

Par contre, de nouveaux secteurs en dehors de l'aire de distribution actuelle du grand panda pourraient devenir appropriés et ainsi convenir à l'espèce mais ces secteurs sont éloignés des habitats actuels et seulement 12 à 14 % de ces nouveaux secteurs sont actuellement sous protection (sont inclus dans une réserve naturelle existante). Selon l'un ou l'autre des deux modèles, ce seraient entre 24 300 et 34 200 km² d'habitats potentiels nouveaux qui conviendraient aux pandas mais parmi ces nouvelles surfaces, entre 4 900 et 10 100 km² selon les deux modèles se situeraient au-dessus de 3 500 mètres d'altitude ; des altitudes aujourd'hui peu fréquentées par l'espèce et où les rochers sont nombreux ce qui influerait certainement de façon négative l'implantation de bambous. Environ 90% de cet habitat futur approprié se situerait dans les trois monts les plus au nord (Qinling, Minshan et Qionglai) tandis que les monts les plus au sud (Liangshan, Daxiangling et Xiaoxiangling) auraient plus de 80% d'habitat approprié en moins. Dans une perspective 2080 et avec les deux scenarii de changement climatique testés, l'habitat approprié pour le panda serait trois plus fragmenté que l'habitat actuel. Les 18 poches d'habitat aujourd'hui supérieures à 200 km² seraient moins nombreuses au profit de poches plus petites et donc plus vulnérables.

L'étude montre également que l'habitat qui devrait être le moins touché est celui des monts Qinling (entre 1 et 17% de perte d'habitat selon l'un ou l'autre des deux modèles). Dans les autres monts, les modèles projettent entre 60 et 97% de perte ; les monts les plus au sud (Xiaoxiangling, Daxiangling et Liangshan) seraient les plus touchés. Les scenarii montrent que dans les monts Qinling, 70% de l'habitat approprié serait sous protection, dans la configuration des réserves naturelles actuelles, et ce taux varie de 1 à 28% dans les autres monts.

Cette étude de Songer et al. semble montrer que l'habitat potentiel nouveau serait supérieur à l'habitat perdu consécutivement aux effets du changement climatique mais les auteurs rappellent que la forte proportion de nouveaux habitats à des altitudes très hautes (supérieures à 3 500 m) laisse beaucoup d'incertitudes sur la possibilité de colonisation de cet espace par les pandas. Ils soulèvent par exemple la question de la présence des espèces de bambous favorites du panda sur un sol plus rocheux ou encore le risque que ces espaces aujourd'hui exempts d'agriculture soient colonisés à leur tour par l'homme avec des cultures qui deviendraient alors possibles dans les conditions du changement climatique et qui réduiraient d'autant les habitats nouveaux disponibles pour le panda.

Une dernière étude publiée en octobre 2015 dans la revue Biological Conservation combine des données à long terme sur le panda géant avec des scénarios de changement climatique pour prédire la perte d’habitat et la distribution futures des pandas dans les monts Minshan (provinces du Sichuan et du Gansu). Les résultats montrent que le réchauffement climatique va conduire à la perte de 16,3 ±1,4 % des habitats du panda géant dans les monts Minshan. 85% des habitats perdus se situeront à des altitudes inférieures à 3 000 mètres. Environ 17,5 ±1,2 % des pertes d’habitat se situeront dans les réserves naturelles. Seulement 5% d’habitat seront ajoutés dans les monts Minshan. Les auteurs identifient 7 nouveaux habitats potentiels pour le panda géant. De 2011 à 2100, l’habitat du panda dans les monts Minshan va se déplacer de 358 ±64 mètres plus haut en altitude et de 563 ±131 mètres plus au nord. Cela concernera 67% de l’habitat actuel.

Toujours selon cette étude dans les monts Minshan, plus alarmant, 11,4% des fragments d’habitat restants seront plus petits que le seuil d’extinction (400 ha pour la survie d’au moins un panda comme des études précédentes l’ont déterminé) et l’étendue de la fragmentation va quadrupler. Les projections montrent que la taille moyenne des patchs d’habitat sera significativement plus petite qu’aujourd’hui (taille moyenne actuelle 652 ha). Actuellement, 3% des fragments sont plus petits que 400 ha et selon les projections (sur la période 2011 à 2100), 11,4% des fragments seront plus petits que ce seuil.

Dans l'ensemble des études, les auteurs s’inquiètent du fait que les bambous ne se déplaceront pas aussi vite que les pandas ce qui multiplie les risques d’extinction. Avant les perturbations humaines, les pandas vivaient à des altitudes plus faibles avec des climats plus chauds et consommaient donc des espèces de bambous spécifiques à ce type de climat chaud. Donc avec le réchauffement climatique, des habitats deviendraient disponibles à des altitudes au-dessus de l’aire de distribution actuelle et les habitats actuellement occupés par les pandas deviendraient inappropriés pour les espèces de bambous actuelles mais appropriés pour les espèces qui existaient auparavant à des altitudes plus faibles et à des latitudes plus au sud (les mêmes espèces dont les pandas se nourrissaient avant les activités humaines). Cependant, le taux de colonisation des bambous est lent et donc un temps de latence existerait avant que ces habitats soient peuplés de ces espèces de bambous typiques des climats plus chauds.

Même si ces études reposent sur des modélisations, elles permettent toutes de pointer un déplacement des habitats favorables aux pandas vers des altitudes et des latitudes plus élevées et le danger d'un déplacement des pandas plus rapide que la dispersion de leur alimentation. Il est donc indispensable d’étendre le système de réserves pour y inclure les futurs habitats qui deviendront appropriés pour le panda, y compris les corridors qui permettront aux individus de migrer de leurs habitats actuels vers ces nouveaux habitats.

 

Pour en savoir plus : 21 mars 2012 : Quels seraient les impacts du changement climatique sur l'habitat du grand panda ?

 

 

L'habitat du panda en proie à des catastrophes naturelles

Rappelons que l'aire de distribution des derniers pandas sauvages est comprise entre 2 000 et 3 800 mètres d’altitude sur les contreforts sud-est du plateau tibétain, dans six grands massifs montagneux. Cet habitat est ainsi soumis aux aléas de cette zone biogéographique et bioclimatique dont les principaux sont les séismes et les fortes précipitations.

Le 12 mai 2008, un séisme dévastateur et meurtrier a secoué le Sichuan, avec pour épicentre le comté de Wenchuan et notamment la réserve naturelle de Wolong. Il a été suivi de très nombreuses répliques pendant plusieurs jours.  Ce tremblement de terre et les glissements de terrain consécutifs ont affecté deux des six monts habités par le panda géant, les monts Minshan et Qionglai. Le sud des monts Minshan est l'habitat qui a été le plus endommagé : dans cette région, environ 23% de l'habitat du panda géant a été détruit et la fragmentation de l'habitat a augmenté ; par exemple les réserves naturelles nationales de Longxi-Hongkou et Baishuihe ont perdu respectivement 34 et 47% de l'habitat du panda.

Sept scientifiques chinois (Wen Zheng, Yu Xu, Lihuan Liao, Xuyu Yang, Xiaodong Gu, Tao Shang, Jianghong Ran) de l'Université du Sichuan, de la Station de Conservation de la Vie Sauvage du Sichuan et de la réserve naturelle nationale de Longxi-Hongkou ont étudié la réponse du panda géant au désastre du tremblement de terre du 12 mai 2008 du comté de Wenchuan en se penchant sur des données d'utilisation de l'habitat par le panda géant sur une période de 6 ans (5 années avant le séisme et 1 année après). L'étude, publiée en janvier 2012 dans la revue scientifique Biological Conservation, porte sur six réserves naturelles habitées par le grand panda : Longxi-Hongkou, Baishuihe, Qianfoshan, Baodinggou, Tangjiahe, Dongyanggou.

Les auteurs ont constaté que les modalités d'utilisation de l'habitat par les pandas étaient stables avant le séisme et qu'il n'y a eu aucun changement notable après le séisme en dépit de la perte d'habitat qui a eu lieu. Les auteurs soutiennent donc que le séisme du Wenchuan ne semble pas avoir été une menace importante pour le panda géant.

Les auteurs avancent deux explications possibles à cette observation. D'une part, les populations de pandas ne sont probablement pas proches de la capacité de charge limite et/ou non limitées par le bambou si bien que les pandas affectés ont pu migrer après le séisme vers des secteurs où des bambous étaient disponibles. D'autre part, les pandas fréquentaient peu les zones où les dommages ont été les plus importants autrement dit l'habitat de meilleure qualité pour le panda a été moins affecté par le séisme ; en effet le séisme a plus affecté les fortes pentes (supérieures à 30°) et les faibles altitudes (en dessous de 2000 m) et ces deux caractéristiques ne correspondent pas aux habitats préférés des pandas.

Malgré tout, les auteurs ont précisé que le séisme a causé une destruction sévère du couvert forestier et potentiellement de biodiversité mais sans être une menace significative pour le panda géant. Ils ajoutaient cependant que le suivi devait se poursuivre pour que la seule année de suivi post-séisme ne soit pas une donnée limitante.

Un nouveau séisme puissant a de nouveau frappé la province du Sichuan, le 20 avril 2013, presque 5 ans après le meurtrier séisme de mai 2008 dans cette même région. L'épicentre de ce nouveau séisme se situait dans le comté de Lushan, placée sous la juridiction de la ville-préfecture de Ya'an. La secousse a durement affecté les villages ruraux du comté de Lushan, mais également la ville de Ya'an aux quelques 1,5 millions d'habitants. Elle a également été ressentie assez fortement à Chengdu, et à Chongqing. Elle s'en est suivie de plus de 1 300 répliques. Pour l'instant, l'impact de ce séisme sur les pandas sauvages n'est pas connu.

Lorsque je me suis rendu dans la réserve naturelle de Fengtongzhai, dans le comté de Baoxing (frontalier avec ceux de Lushan et Wenchuan), les 31 mars, 1er et 2 avril 2015, Monsieur Deng m'a expliqué que l'habitat du panda géant avait été endommagé au sein de cette réserve consécutivement aux deux tremblements de terre successifs de 2008 et 2013 mais qu'aucun panda mort n'a été retrouvé. Par contre, il note d'une part une augmentation du nombre d'observations de pandas sauvages dans les villages de la vallée et d'autre part que les pandas sont actifs à des altitudes un peu plus faibles qu'auparavant.

 


Glissement de terrain dans la vallée de Saoyaogou, réserve naturelle d'Anzihe,
touchée par les séismes de 2008 et 2013 dont les stigmates restent encore largement visibles
30 mars 2015 - © Jérôme POUILLE

 


Dans le cadre des opérations de restauration des habitats endommagés par les séismes de 2008 et 2013,
des bambous sont en cours de remplantation ici dans la vallée de Guobayan dans la réserve
naturelle de Fengtongzhai - 1er avril 2015 - © Jérôme POUILLE

 

En plus des tremblements de terre, l'habitat du panda géant est parfois soumis à de rudes conditions climatiques et notamment des pluies diluviennes. Pour ne citer qu'un exemple, des pluies diluviennes ont frappé la réserve naturelle de Wolong dans la nuit du 3 au 4 juillet 2011. Les dégâts qu'elles ont entraînés étaient nombreux : rivières en crue, glissements de terrain, coulées de boues, routes coupées, électricité coupée, moyens de communication hors service. Environ 4 600 habitants, 200 membres du personnel de la réserve de Wolong et 1 200 ouvriers qui travaillaient sur les différents projets de reconstruction (suite au séisme de mai 2008) sont restés bloqués dans la réserve plusieurs jours. Un panda géant sauvage a été retrouvé mort suite à ces fortes pluies. L'animal s'est probablement noyé après avoir été emporté dans la rivière Minjiang. Le corps du panda a été trouvé par un villageois dans la retenue de Zipingpu où se jette la rivière Minjiang.

 

Pour en savoir plus :

        > 21 avril 2013 : Le Sichuan frappé par un puissant séisme, à Lushan, près de cinq ans après celui de Wenchuan

        > 8 mars 2012 : Le terrible séisme de 2008 aurait eu un impact limité pour les pandas sauvages

        > 6 juillet 2011 : La réserve naturelle de Wolong frappée par des pluies diluviennes qui entravent les travaux de reconstruction post-séisme et qui ont entraînées la mort d'un panda sauvage

        > 18 septembre 2009 : Le gouvernement de la province du Sichuan présente son programme de restauration de l'habitat du panda détruit par le séisme

        > 12 mai 2009 : Un an après le séisme, un premier bilan pour les pandas sauvages et leur habitat

        > 8 novembre 2008 : Les experts s'attendent à une recrudescence de pandas sauvages malades pour cet hiver post-séisme

        > 13 juin 2008 : Séisme en Chine : L'habitat naturel des pandas sévèrement endommagé

        > 29 mai 2008 : Séisme en Chine : Le destin des pandas sauvages de la réserve de Baishuijiang reste inconnu après le séisme

 

 

La réintroduction dans la nature de pandas nés en captivité ne doit pas être une alternative à la protection des pandas sauvages et de leur habitat

L'objectif ultime de l'élevage en captivité du panda géant est le soutien aux populations sauvages et la réintroduction est l'un des volets de ce soutien. Avec les efforts sans précédent depuis le début des années 2000 pour la protection du panda géant et de son habitat et l'augmentation du nombre de pandas en captivité, la réintroduction apparaît aujourd'hui comme prioritaire pour les institutions chinoises en charge de la protection du panda et devrait le rester dans les stratégies futures. En témoignent les expérimentations lancées depuis 2006 par les principales institutions chinoises qui élèvent des pandas en captivité.

J'ai développé les différentes facettes du programme de réintroduction sur une page spéciale de ce site.

A ce jour, ce programme de réintroduction n'en est qu'à un stade expérimental permettant d'alimenter les connaissances scientifiques, d'accumuler des données et d'enrichir le retour d'expérience sur le sujet tout récent de la réintroduction de pandas captifs dans le milieu naturel. Comme toute expérimentation de réintroduction, elle présente des risques mais est aussi capitale pour progresser sur ce sujet.

De nombreuses questions restent cependant en suspens, notamment sur l’avenir à donner à ce programme de réintroduction : n’existe-t-il pas des risques pour les populations sauvages et si oui lesquels ? notamment en termes de transmission de parasites ou de maladies des individus captifs vers ceux sauvages ? quel est le risque encouru par les pandas réintroduits en cas de compétition avec des congénères sauvages pour le territoire ou l'accès à un partenaire ? les pandas réintroduits seront-ils capables de se reproduire avec des congénères sauvages, et ensuite d'élever leurs jeunes (cas des femelles) ? ne doit-on pas plutôt réintroduire des pandas dans des habitats perdus mais que l’on souhaiterait voir reconquis par l’espèce ? est-il pertinent de ne réintroduire qu’un seul panda à la fois ? ou un groupe de pandas ?...

Il est également important de se pencher sur l'habitat du panda pour savoir s'il est adapté et non limitant pour accueillir davantage de pandas. N'est-il pas prioritaire de protéger et restaurer l'habitat du panda avant d'envisager des réintroductions supplémentaires ?

Les scientifiques s'accordent à dire que davantage d'expériences et d'études doivent être menées pour mieux comprendre et maîtriser le processus de réintroduction, et l'idée de poursuivre la recherche sans mettre en péril les pandas sauvages, notamment en réintroduisant des pandas captifs dans la nature dans des secteurs non habités par les pandas (mais habités autrefois) eet donc sans risque de perturber leurs congénères sauvages, est une piste. D'autant que l'un des objectifs recherchés lorsque l'on réintroduit une espèce est aussi la reconquête d'anciens habitats perdus.

Les recherches doivent être poursuivies pour définir la meilleure stratégie pour le futur, mais ne nous y trompons pas, la conservation du panda passe par la protection des pandas sauvages et de leur habitat et non par l'espoir de rétablir demain par le biais de la réintroduction des populations que l'on n'aurait pas su protéger à temps. 

 

Pour en savoir plus : La réintroduction de pandas captifs dans le milieu naturel

 

 

Le clonage, une piste abandonnée qui n'était pas une réponse aux menaces qui pèsent sur l'espèce

C'est en 1997 qu'une première tentative de clonage d'un panda géant fut réalisée par des scientifiques de l'Académie chinoise des sciences. Cette tentative suscita un vif intérêt : on la considérait comme une nouvelle technique pouvant assurer la survie de l'espèce dans la nature.

Bien entendu, le clonage n'est pas une réponse à la disparition et la fragmentation de l'habitat du panda, seules menaces persistantes pour l'espèce. Au mieux, le clonage permettrait d'avoir plus d'individus, mais ce n'est pas le sujet. Comme rappelé en introduction de cette page, croire que les pandas ont des difficultés à se reproduire est une erreur et donc le clonage ne devrait pas être d'un grand secours pour ce qui est des véritables menaces auxquelles l'espèce est confrontée.

 

 

Actualisation 2016 de la Liste rouge de l'IUCN : le statut de menace du panda géant passe de "en danger" à "vulnérable"

La Liste rouge des espèces menacées publiée par l'Union Internationale de Conservation de la Nature (UICN, en anglais IUCN pour International Union for Conservation of Nature) constitue l'inventaire mondial du statut de conservation des espèces animales et végétales le plus exhaustif au monde. Une série de critères permet d'évaluer le statut de menace ou risque d'extinction de milliers d'espèces et de sous-espèces. Fondée sur une solide base scientifique, la Liste rouge de l’UICN est reconnue comme l’outil de référence le plus fiable pour connaître le niveau des menaces pesant sur la diversité biologique spécifique.

La liste comporte 9 catégories de classification des espèces en fonction de leur statut de conservation : éteinte (EX), éteinte à l’état sauvage (EW), en danger critique (CR), en danger (EN), vulnérable (VU), quasi menacée (NT), préoccupation mineure (LC), données insuffisantes (DD), non évaluée (NE).

La plus récente mise à jour de la Liste rouge concernant le statut de menace du panda a été dévoilée à l'occasion du congrès mondial de l'UICN de septembre 2016. Précédemment classé « en danger » et ce depuis 1990, le panda géant a été reclassé dans la catégorie « vulnérable », celle juste au niveau inférieur.

Le panda géant reste donc une espèce menacée d'extinction mais est déclassé dans sa catégorie moindre selon les trois évaluateurs spécialistes du panda géant (Ron Swaisgood, Dajun Wang et Fuwen Wei). Cette ré-évaluation à la baisse du statut de menace s'explique notamment par les résultats du quatrième recensement national des pandas géants et de leur habitat réalisé de 2011 à 2014.

Les experts de l'UICN ont ainsi conclu que la population de pandas sauvages s'était accrue grâce au reboisement et à une protection efficace des forêts. Selon leur évaluation, cette amélioration confirme l’efficacité des efforts entrepris par le gouvernement chinois pour préserver cette espèce. Cependant, ils ont estimé, sur la base des études existantes, que le changement climatique pourrait compromettre les acquis de ces deux dernières décennies. Ainsi, ils ont préconisé de poursuivre la mise en œuvre de mesures efficaces de protection des forêts et de répondre aux nouvelles menaces.

Le gouvernement chinois, par la voix de l'Administration d'Etat des Forêts (State Forestry Administration), a immédiatement indiqué que l'abaissement du statut de menace du panda géant ne serait pas synonyme d'un relâchement des efforts de conservation. En effet, comme l'ont souligné les experts de l'UICN, le gouvernement chinois a rappelé que le panda géant reste menacé et qu'il est indispensable de poursuivre et renforcer les efforts de conservation, notamment envers les sous-populations fragmentées en grand risque d'extinction.

 

Pour en savoir plus :

        > Le statut de menace du panda géant passe de "en danger" à "vulnérable" selon la dernière évaluation de l'UICN (7 septembre 2016)

        > Fiche "liste rouge" du statut du panda publiée par l'IUCN

 

 

Le panda géant, une espèce-parapluie

Protéger l'habitat du panda géant, c'est protéger un écosystème unique, très riche, abritant des centaines d'autres espèces animales et végétales sous le « parapluie » du panda. Plus de 10% des espèces de mammifères connues dans le monde vivent en Chine et parmi elles 18% sont endémiques de Chine. A ce jour, 179 espèces de mammifères partagent le même habitat que le panda géant, soit 32% des mammifères qui vivent en Chine. On dénombre également 565 espèces d'oiseaux (soit 39% des espèces d'oiseaux retrouvées en Chine), 31 espèces de reptiles (soit 20% des espèces de reptiles retrouvées en Chine), 92 espèces d'amphibiens (soit 26% des espèces d'amphibiens retrouvées en Chine) et 132 espèces de poissons (soit 4% des espèces de poissons retrouvées en Chine) dans l'habitat du panda.

Plus de 96 % de l’habitat du panda recoupe des secteurs avec au moins une espèce endémique. L’habitat du panda abrite 30 espèces endémiques de mammifères, 35 d’oiseaux et 31 d’amphibiens.

Les pandas vivent dans un écosystème qualifié de « point chaud de biodiversité » pour sa richesse écologique et son caractère menacé. Les pandas géants sont des ambassadeurs de la conservation. Promouvoir la protection du panda géant et de son habitat, c'est aussi protéger cet écosystème parmi les plus riches au monde en termes de biodiversité. 

 


Le takin doré, une sous-espèce de takin nommée parfois takin du Shaanxi, et endémique à la Chine
Shaanxi Wild Animal Rescue Center - 16 juillet 2013 - © Jérôme POUILLE

 


Un rhinopithèque de Roxellane. Cette espèce de singe est une des multiples espèces qui partagent
le territoire du panda géant dans le milieu naturel et qui donc bénéficie des mesures de
protection déployées pour sauver le panda - Zoo de Chengdu - 19 mars 2015 - © Jérôme POUILLE

 

Pour en savoir plus : 

        > Répartition et habitat du panda géant

        > La salamandre géante de Chine, une espèce méconnue sous le parapluie du panda géant (11 juillet 2014)

 

Pour en savoir plus :

        > Fiche "liste rouge" du statut du panda publiée par l'IUCN : Le panda est inscrit sur la liste rouge des espèces menacées publiée par l'IUCN (Union mondiale pour la nature). Cette liste constitue la source d'information faisant le plus autorité dans le monde sur le statut des plantes et des animaux.

        > Fiche "CITES" du statut du panda : Le panda est classé en Annexe 1 de la CITES. Le commerce concernant l'espèce ou les produits dérivés de l'espèce est très strictement réglementé par les États membres (ou Parties), toute transaction à des fins purement commerciales étant totalement proscrite. La Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction, connue par son sigle CITES ou encore comme la Convention de Washington, est un accord international entre États. Elle a pour but de veiller à ce que le commerce international des spécimens d'animaux et de plantes sauvages ne menace pas la survie des espèces auxquelles ils appartiennent.

        > Les réserves naturelles pour protéger l'habitat du panda : Fin 2009, la Chine compte 67 réserves naturelles pour la protection des populations sauvages de pandas

        > Liste des principales réserves de pandas en Chine (PDF)

        > L'élevage en captivité, une méthode de conservation

        > Le site du WWF International : www.panda.org